Portraits d'entrepreneurs

Shark Rebellion, le swimwear de compétition durable

By: GENILEM | juin 11, 2024 | 5 min de lecture
shark rebellion team

Des maillots de bain en filets de pêche, il y en a plein. Mais les tenues de compétition d’une durée de vie de plusieurs années, restent rares. C’est le créneau de Shark Rebellion.

Comme bien des startups dans le domaine environnemental, l’histoire de Shark Rebellion démarre avec un « wake-up call », en l’occurrence celui qu’a vécu Hoàn Nguyen-Xuan, son fondateur, en 2017 lors du passage de son certificat de sauveteur-plongeur à Malte. La quantité de déchets l’entrave dans ses mouvements. Et lorsque cet ancien nageur de compétition découvre une gigantesque décharge de plastique face à la mer, c’est simple : « je ne pouvais plus fermer les yeux » sur ce problème, assure cet ingénieur digital spécialisé dans le domaine bancaire.

Shark Rebellion Hoan
Hoàn Nguyen-Xuan, fondateur de Shark Rebellion

Il entame des recherches et constate que pour moitié, les déchets plastiques marins proviennent de filets de pêche conçus dans un matériau particulier, le Polyamide 6, qui le rend très résistant – utilisé notamment pour des maillots de bain de compétition. C’est là que naît l’idée de recycler ce matériau dans ce but précis.

En 2019, un premier prototype est conçu, Hoàn Nguyen-Xuan le teste immédiatement auprès du club de Lausanne natation, écoute les premiers retours des nageuses et nageurs. En 2020, un second modèle est particulièrement apprécié des nageur·euses d’élite. Le jeune entrepreneur entame alors une tournée des clubs suisses, obtient des soutiens et des ambassadeur·rices, et lance sa marque en mars 2021.

Shark Rebellion club
Le premier prototype est testé auprès du club de Lausanne natation

Le financement participatif initial permet de récolter près de 40’000 francs, 750% de l’objectif initial. La première production est lancée à Bali – après un sourcing de centaines d’usines – et Hoàn Nguyen-Xuan réduit son activité de consultant pour se consacrer à sa startup.

2022 est une année « folle » au cours de laquelle le jeune dirigeant frôle le burn-out : Shark Rebellion devient l’équipementier officiel de nombreux clubs (Yverdon, Morges, Pully, Plan-les-Ouates…), gagne un Prix PERL, devient partenaire officiel de nombreuses compétitions comme l’Ultra Swim 33.3 (équivalent de l’ultra-marathon pour la natation ou d’événements caritatifs (comme Swim4Hope, traversée du Léman à la nage).

En 2023, des changements stratégiques sont opérés, l’équipe de cinq personnes est réduite à trois (CEO, service client, commandes), la partie logistique étant automatisée en Chine. Hoàn Nguyen-Xuan consacre dès lors tout son temps à faire grandir la jeune pousse, qui compte deux personnalités ambassadrices aujourd’hui : Thais Sant’hanna, la championne brésilienne d’open water, et Andy Donaldson détenteur de trois records du monde de nage – dont le mythique marathon Ocean7.

La marque lausannoise a vendu 2’500 maillots depuis 2021, s’avère aujourd’hui profitable, mais veut améliorer sa distribution et son marketing. Elle vise une expansion à Bali, aux USA, en Grande-Bretagne ou en Australie. Son fondateur veut utiliser le sport comme « un moyen de communication afin de faire passer des messages forts en faveur de l’océan », par les voix d’athlètes reconnus. Entretien.

Shark Rebellion maillot femme

Vous venez de l’informatique. Quel est le principal défi que vous avez rencontré en vous lançant dans cette nouvelle activité ?

Hoàn Nguyen-Xuan : Toutes les étapes ont été compliquées, il a fallu apprendre. Et rien n’a fonctionné comme prévu, nous avons eu des soucis à chaque étape. Avec le recul, je dirais que la logistique, était peut-être le plus difficile car je ne m’y attendais pas, et c’est là où j’ai eu le plus de difficultés à rationaliser les opérations. Nous avons 450 références en raison des tailles et couleurs diverses, ce qui multipliait les difficultés pour la gestion des commandes, du stock, des inventaires…J’ai finalement pris la décision difficile de déplacer cette partie des opérations de la Suisse vers la Chine, où des centres logistiques efficients et rationnels existent. Il y avait des enjeux humains, nous n’y arrivions plus, et de coût : on ne peut pas, sur un maillot vendu entre 40 et 90 CHF/ pièce, absorber des coûts de logistique de 20 CHF/ pièce.

Toutes les marques ou presque développent des maillots ‘durables’. Où se situe votre innovation ?

Les maillots de bains éco-responsables existaient effectivement avant Shark Rebellion. Mais nous sommes les premiers à avoir conçus des modèles destinés à la performance : notre connaissance des nageurs d’élite nous a permis de concevoir des maillots répondant aux besoins assez complexes de la natation sportive (points de compression, coutures et coupes spéciales, ajustées à quelques millimètres…)

Mais l’innovation majeure, c’est le concept. Contrairement aux autres marques, ce n’est pas un modèle dans une collection qui est produite en fibres recyclées mais l’ensemble de notre gamme. Nous soutenons l’ONG Healthy Seas, qui source les déchets constituant notre matière première. Nos ventes financent ainsi le nettoyage des océans, c’est un cycle complet.

Shark Rebellion maillot homme

En quoi GENILEM vous a aidé ?

Le soutien de GENILEM est précieux en particulier pour la partie où je suis le moins à l’aise : marketing, distributions et ventes. Comment faire grandir la marque ? Quels sont les points stratégiques du marketing, de la communication, des ventes ? La thématique est large. Mais avec GENILEM, je peux poser n’importe quelle question : ma coach Gabrielle Loeb peut me mettre en contact avec des experts, si besoin. J’ai échangé avec des professionnels de Procter & Gamble, l’Occitane, ce qui m’a permis d’étendre mon réseau et d’améliorer mes compétences sur des points précis, en SEO, par exemple.

Et enfin, dans les coups durs, car il y en a beaucoup, je peux partager le quotidien de l’entreprise, trouver de nouvelles idées, relâcher un peu mon stress. Ce job reste le plus compliqué que j’ai eu, en réalité !

Quelle place de la durabilité dans votre projet ?  Impossible de ne pas questionner la production réalisée à Bali.

Bien sûr, j’y ai moi-même beaucoup réfléchi. Avant tout, pour comprendre : je suis initialement parti avec la volonté de produire en Suisse, où je n’ai tout simplement pas trouvé d’usines de confections de textiles techniques. En Europe, idem (Italie, France, Allemagne…). J’ai certes fait réaliser des premiers prototypes, mais ils n’ont rien donné – c’était adapté pour un maillot de bain ‘fashion’, mais pas pour le sport de compétition. Idem pour la Bulgarie, la Roumanie. J’ai ensuite cherché aux USA, au Brésil, en Asie du Sud-Est et c’est à Bali que le prototype était le plus proche du résultat final recherché.

La qualité de conception était excellente, c’était pour moi l’enjeu principal : une nouvelle marque peut assumer de ne pas être parfaite sur le plan environnemental – après tout, les grandes marques ne le sont pas non plus – mais elle doit rester sans compromis sur la qualité.

Aujourd’hui, je réfléchis à compenser l’empreinte carbone de la production dans l’immédiat, et à relocaliser la production en Europe dans un second temps. Même si entre Europe et Asie, un gouffre s’est créé au fil des décennies, tant le savoir-faire textile s’est exporté là-bas. Sur le continent européen, hormis le luxe, la qualité recherchée dans mon domaine n’est pas encore au rendez-vous. Toutefois je ne désespère pas et continue mes recherches pour une production en Europe. Si vous avez des pistes, contactez-moi !

Propos recueillis par Camille Andres. Crédits photos : Shark Rebellion