OVO, pionniers de la micro-logistique urbaine
En voulant remplacer les livraisons en camion par des vélo-cargos, OVO a découvert qu’aucune solution n’existe pour passer d’un mode de transport à l’autre. Un manque que la jeune entreprise a vu comme une opportunité. Elle vend aujourd’hui son expertise en la matière.
En janvier 2020, trois amis montent un projet d’impact positif pour leur ville, Genève, et imaginent des livraisons en vélo-cargo pour remplacer les camions. L’entreprise naît à l’été 2020. Très vite, la startup découvre des problèmes à résoudre et y apporte des solutions efficaces : passage de marchandises d’un camion à un vélo, grâce à des « nano-hubs » (points relais de marchandise), placés à des endroits stratégiques.
En 2021, un crowdfunding permet de financer ses premières installations et sa croissance. Des partenariats avec l’Office cantonal des Transports, les Villes de Carouge, Meyrin, Grand-Saconnex et le programme SIG Eco21 ont permis de tester cette innovation avec des acteurs clefs du transport.
Les solutions d’OVO permettent des livraisons plus rapides et moins chères dans des endroits et des moments où la circulation est complexe et dense. Par ailleurs, OVO acquiert un savoir-faire spécifique dans la gestion des contraintes propres à cette micro-logistique (poids, volume de marchandises, chaîne du froid à respecter, reconditionnement). Une expertise sur laquelle l’entreprise capitalise aujourd’hui : elle a développé un logiciel spécialisé dans la micro-logistique, et se spécialise dans l’amélioration du transfert modal, le fait de passer des marchandises d’un véhicule à un autre.
Aujourd’hui OVO compte 15 personnes, 13 employé·es dont dix coursiers, deux dispatcheurs, un responsable technique et ses 2 co-fondateurs, qui eux se concentrent sur les innovations et les projets. Son chiffre d’affaires double chaque année. Elle effectue toujours des livraisons mais 30% de son revenu provient de mandats de gestion de projets et de conseil dans son domaine. A terme, l’entreprise souhaite devenir un acteur à impact, spécialisé dans le développement des infrastructures et outils de micro-logistique urbaine. « On ne souhaite pas passer à l’échelle sur nos opérations, mais permettre à tous les acteurs du secteur de faire leur transition dans le domaine », explique son co-condateur, Olivier Starkenmann. Entretien.
Vous êtes actifs dans la logistique, mais une de vos deux innovations est un logiciel, comment l’avez-vous conçu ?
Olivier Starkenmann : Ce n’était pas trop notre projet de départ mais nous avons vite identifié qu’il fallait tirer un apprentissage et une valeur des opérations de livraisons que nous réalisions sur le terrain. En réalité, ce n’est pas un mais plusieurs outils que nous avons développés, sous forme d’écosystème, à partir duquel nous réalisons notre outil désormais, qui sera rendu disponible sous forme de SaaS (software as a service).
Nous avons de solides notions d’informatique et nous nous sommes entourés de profils-clés pour la mise en place d’un écosystème flexible. Nous avons fait le choix de commencer et grandir avec des outils no-code, c’est-à-dire qui peuvent être paramétrés sans avoir besoin de coder. Nous avons voulu éviter de nous bloquer avec des outils figés et statiques alors que le secteur de la micro-logistique est en pleine émergence et n’arrête pas d’évoluer.
Quel a été votre principal défi ?
Notre entreprise compte deux volets, les opérations qui exigent besoin de liquidités et le développement informatique et l’innovation, qui n’a pas la même réalité, ni les mêmes besoins.
Nous sommes toujours pris entre les deux. D’un côté nous avons des clients et des rentrées d’argent réelles, mais d’un autre, il nous faut lever des fonds pour continuer l’innovation et la prospective. Cela crée parfois des problèmes de lisibilité, parce qu’une fois qu’on est perçus comme acteur d’un domaine, il est difficile pour notre interlocuteur de comprendre que nous sommes aussi acteur ailleurs. Et cela pose des soucis de temps et de liquidités : plus notre activité opérationnelle croît, plus elle a besoin de liquidités, alors que l’innovation a aussi besoin de capital, or les fonds ne sont pas les mêmes pour investir dans l’un que pour investir dans l’autre.
Quelles sont vos perspectives de développement ?
En tant que fondateurs, nous avons toujours fait le choix d’une croissance organique, en gardant nos jobs à côté, ce qui permettait de limiter les risques, mais aussi et surtout de prendre le temps de comprendre et d’accompagner un marché nouveau et émergent. Pour le moment, on n’a pas levé de fonds, les opérations sont quasi auto-financées, et l’innovation nous la finançons par nos fonds propres. Mais désormais nous savons où nous voulons aller et nous démarrons une levée de fonds, et préparons une alliance avec des partenaires stratégiques, des acteurs privés de la logistique.
La micro-logistique est un enjeu majeur pour toutes les grandes villes européennes, on a déjà été contacté par des acteurs de Paris, Madrid, Bruxelles pour des nanos-hubs, on y ira si on peut y avoir un impact…ainsi que dans les grandes villes suisses.
Où est-ce que l’aide de GENILEM a fait la différence ?
C’est toujours bien d’avoir une oreille externe pour discuter de sujets internes, qui ne sont pas public, c’est en quelque sorte avoir des personnes en plus dans l’équipe, qui aident à réfléchir.
GENILEM est le seul programme auquel on a pris part, on nous l’a recommandé. Souvent les programmes existants proposent un lieu, des bureaux, un local. Ce n’était pas ce dont nous avions besoin. GENILEM nous a par contre offert de la visibilité, nous a permis de rencontrer d’autres entreprises, des startups, des investisseurs. On a apprécié le côté humain mais aussi le fait que ce soit désintéressé : l’accompagnement se fait sans que l’on doive céder des parts de notre entreprise en échange, en d’autres mots on n’est pas redevable.
La place de la durabilité dans votre projet ?
La durabilité est ce qui nous a réunis au départ mais aujourd’hui, personne ne travaille avec nous car on est durable, mais parce qu’on apporte une solution économiquement intéressante.
Par expérience, on sent bien que la logistique est en lien direct avec les questions de mobilité, et donc que c’est une question publique pour laquelle les acteurs qui devraient avoir un intérêt sont d’abord les collectivités. Elles nous soutiennent sur les projets, nous mandatent pour des analyses, car elles cherchent des solutions plus durables. Mais c’est plus compliqué de les convaincre de s’impliquer dans les modèles d’affaires. Pourtant, dans notre activité, une part concerne directement le bien commun. Associer notre analyse à d’autres initiatives permettrait d’en démultiplier l’impact. En un sens, pour le moment, on a plus l’impression qu’une partie de notre travail est un investissement offert au bien commun !
Par ailleurs, pour nous, la durabilité c’est global, on a tout du long fait des choix pour construire une entreprise qui soit ‘bien’ à tous les points de vue : véhicules électriques, salaires minimums élevés pour notre secteur. Avoir d’autres valeurs que la seule rentabilité était au fondement de notre projet et le restera. Tout en sachant que sans rentabilité, il n’y a plus d’entreprise, donc plus d’impact positif.
Propos recueillis par Camille Andres