Entrepreneuriat, les grandes tendances de 2024-2025

GENILEM a reçu 548 projets d’entreprise en 2024. Voici sept évolutions que nos données et nos trente ans d’expertise nous poussent à surveiller de près. Et pour chacune d’entre elles, quelques conseils à destination des entreprises et des investisseurs.
Un essoufflement des projets d’impact ?
- 62 % des projets suivis comportent un modèle d’affaires à impact. C’est en deçà de notre objectif de 75 %.
Bonne nouvelle : l’impact en entreprise est aujourd’hui identifié et mieux défini : il s’agit de toutes les manières dont une entreprise est conçue pour générer un avantage positif spécifique pour l’une de ses parties prenantes. GENILEM se base sur les 24 modèles d’impact élaborés par B Corp. Et les soutiens ciblés se multiplient, par exemple le programme FIT Impact de la Fondation pour l’Innovation et la technologie (FIT), le programme Ucreate de l’Université de Lausanne, l’initiative Viva du Service de la promotion de l’économie et de l’innovation (SPEI) du Canton de Vaud, etc.
Mais il faut aussi regarder la mauvaise nouvelle, déjà identifiée en 2024 : si la durabilité est une priorité sociétale, elle reste encore difficile à monétiser, les clients sont peu enclins à payer plus pour cette valeur. Et les financements dans le domaine restent frileux, comme l’explique cette recherche éclairante de mon collègue Cyril Deleaval. Quelles explications ? Avant tout, la moindre rentabilité de ces entreprises, et donc l’impossibilité de réaliser un exit avec une valorisation importante à court terme. Par définition, l’impact ne peut pas déboucher sur des licornes, mais plutôt sur des PME bien implantées localement. Ce ne sont pas les produits ou services proposés par ces entreprises qui sont trop onéreux… Mais bien les externalités négatives générées par les entreprises « classiques » dans le domaine, qui ne sont pas prises en compte. Tant que ce paradigme sociétal n’évoluera pas, l’impact restera minoritaire.
Le conseil : Si vous vous lancez dans le domaine, misez sur une communauté de clients, de soutiens, de partenaires qui partagent vos convictions et vous aident à vous améliorer. C’est ce qu’ont réussi Robin des Fermes ou Revario. Le crowdinvesting — investissement par des clients convaincus par votre projet, qui n’attendent pas le même retour — constitue une solution pour grandir.
Les femmes, toujours peu représentées parmi les dirigeant·es
- 28 % des projets que nous avons reçus sont portés uniquement par des femmes,
55 % par des hommes uniquement, et 17 % par des équipes mixtes.
L’égalité n’est pas une réalité dans notre société, encore moins dans l’entrepreneuriat. Quelques signaux positifs : les évènements dédiés se démocratisent, et attirent du monde, femmes et hommes, convaincus qu’un progrès est atteignable dans le domaine. La soirée GENILEM dédiée à ce sujet, fin janvier, a montré que le partage d’expérience sur le sujet est recherché. Et des dirigeants d’entreprise romands s’engagent aujourd’hui publiquement pour la diversité en entreprise, « qui permet aux entreprises de mieux fonctionner en termes de leadership, d’attractivité, et d’innovation », explique cette récente tribune dans le Temps.
Le conseil : Femme ou homme, à chacun de se former, partager, échanger autour du sujet : les biais de genre, ancrés et insidieux, nous concernent toutes et tous. L’apprentissage en la matière est collectif.

L’abonnement : incontournable
- Même si la vente directe représente encore 52 % des projets rencontrés, les modèles d’affaires reposant sur l’abonnement explosent.
Cet essor concerne aussi bien les produits et les services. On sait aujourd’hui que la solution de l’abonnement est avantageuse à plusieurs égards pour l’entreprise, qui dispose ainsi d’une base de clients captifs. Ces derniers sont gagnants, car le prix d’entrée d’un produit ou d’un service devient plus accessible.
Le conseil : Les abonnements rendent votre entreprise « accro » aux données : il faut comprendre le comportement des clients, mesurer en permanence le taux de désabonnement, etc. C’est donc une solution qui demande une gestion fine, technique et permanente à ce niveau.
Des apps et encore des apps
- 20 % des projets s’appuient sur des applications ou des plateformes : le numérique est surreprésenté dans nos projets
Une explication évidente reste le coût. Il y a quelques années, il fallait débourser 50’000 francs pour une app ou une plateforme. Aujourd’hui, créer un prototype viable en « no code » est possible pour quelques milliers de francs, en y investissant du temps personnel. Tester le fonctionnement, la désirabilité d’une solution numérique est donc devenu très accessible. Par contre, la difficulté s’est déplacée : elle consiste à administrer, développer et surtout faire connaître sa solution dans un univers où quasi toutes les solutions existent et où la compétition est mondiale.
Le conseil : Bien estimer les efforts marketing et commerciaux, en discutant un maximum avec des gens l’ayant fait dans la région et des organismes comme la FIT. Le programme FIT Digital apporte une connaissance fine de ce domaine spécifique.

La santé, en croissance
- GENILEM accueille davantage de projets liés à la santé que par le passé.
Est-ce dû à notre expertise croissante dans le domaine, ou à une tendance de fond ? Toujours est-il que l’écosystème romand en la matière est rodé et solide. Et que la santé chez nous est traitée comme tout autre secteur d’activité. Nous observons, cependant, une évolution : autour des projets « medtech », se développent toutes sortes de solutions périphériques, telles que des outils de gestion de la santé mentale, de l’alimentation… Des services qui ne nécessitent pas en soi de brevet ou de recherche fondamentale en laboratoire, pour se voir validés. En revanche, l’écosystème de la santé reste un monde qui exige des cautions, des références, des validations scientifiques. Sans cela, aucune startup n’est prise au sérieux.
Le conseil : Si pour certains projets, un brevet n’est pas indispensable, s’entourer d’un comité scientifique, d’expert·es actuellement en poste, de références solides reste capital.
Seul ou bien entouré : deux formules pour se lancer
- La moitié des personnes que nous accompagnons se lancent seules, l’autre en équipe.
Par expérience, GENILEM recommande plutôt de vivre l’aventure entrepreneuriale à plusieurs. Oui, cela implique de potentiels conflits et difficultés, mais soyons honnêtes : l’entrepreneuriat exige tellement d’énergie, de compétences impossibles à réunir en une seule personne, que l’union des forces fait sens. Pour des investisseurs, une entreprise dotée d’une équipe est souvent considérée plus crédible. Bien entendu, nous avons aussi vu des projets solos réussir, certains travaillant mieux seuls.
Le conseil : Avant de se lancer seul·e tête baissée, bien peser le pour et le contre, échanger avec d’autres entrepreneuses et entrepreneurs sur ce que l’aventure représente vraiment, et avec qui la mener.
Foodtech, l’alimentation : toujours un succès
- L’alimentation et tout ce qui a trait à ce secteur (solutions de livraison, accessibilité, communication, emballages…) restent très présents dans notre activité.
La Suisse romande dispose d’un pôle dédié à la foodtech, l’Agropôle de Fribourg en pleine croissance. Et la région compte des acteurs majeurs dans le domaine — Nestlé, pour ne parler que de cette multinationale — qui apportent un savoir-faire de pointe, et de l’innovation. Et en même temps. le canton de Vaud garde une culture agricole dont les principes — le fameux bon sens paysan — s’avèrent pertinents pour l’entrepreneuriat.
Le conseil : Trouver son marché, élaborer un produit de qualité, maîtriser ses charges, construire ses sources de revenus restent des réflexes indispensables.
A propos de GENILEM
Fondée en 1995, GENILEM est une association à but non lucratif dont la mission est d’aider les entrepreneuses et entrepreneurs des cantons de Vaud et Genève à créer des entreprises innovantes et viables.
Pour augmenter les chances de succès des jeunes et futures entreprises, elle offre différents services qui vont du diagnostic de projet, permettant d’échanger sur son idée de business et de définir les prochaines étapes à accomplir, à un programme d’accompagnement stratégique et opérationnel sur 3 ans dont l’objectif est de consolider et accélérer le développement de l’entreprise.
Crédits photos : Fresh Cube (photo de couverture), Maud Guy-Vuillème (Masterclass avec Jenny Chammas)