Portraits d'entrepreneurs

Avec E-nno, chaque bâtiment gère son énergie

By: GENILEM | novembre 22, 2021 | 4 min de lecture

Fondée par un ingénieur énergétique, cette startup genevoise a conçu une technologie capable d’aider n’importe quel bâtiment à optimiser ses dépenses énergétiques. La jeune société se base sur l’économie financière réalisée pour sa tarification. Une double innovation.

Il circule dès que possible à vélo électrique, « quoi de plus incohérent que de venir voir des clients en 4X4 pour leur proposer des économies d’énergie ? », et assure haut et fort préférer une croissance organique à un développement de sa solution tous azimuts. Maël Perret, 34 ans, fondateur d’E-nno, fait partie de ces entrepreneurs pour qui la durabilité se mesure avant tout à une cohérence entre la parole et les actes.

Maël Perret, fondateur d’E-nno

Cet ingénieur en énergétique des bâtiments a développé l’outil qui lui manquait dans son travail. Pour Maël Perret, améliorer la consommation d’énergie dépasse la simple rénovation planifiée, au mieux, une fois tous les 20 ans, et implique une gestion quotidienne plus fine. « La performance énergétique demande en réalité l’intervention permanente d’une personne physique qui modifie un réglage, optimise une machine etc. On s’est dit qu’on pourrait développer une technologique applicable dans n’importe quel bâtiment. Grâce à des algorithmes, elle permettrait d’adapter les réglages en temps réel pour une consommation d’énergie optimale, sans changer le niveau de confort des occupants.»

C’est son équipe de sept personnes qui conçoit une solution adaptée à tout type de bâtiments (gaz, mazout, pompes à chaleur, bois…), et toutes mesures (digitales ou analogiques). E-nno mêle savoir-faire en énergétique des bâtiments, compétences en data science et développement web.

Née en mars 2018 et financée entièrement par fonds privés, la startup a démarré sa commercialisation début 2020, en pleine pandémie, et connaît désormais un joli rythme de croisière : entre 40 et 60 bâtiments entrent chaque mois dans son parc, qui gère au quotidien 400 000m2 de surface, en offrant « entre 9 et 35% d’économies » à ses utilisateur·rices. Ces professionnel·les de l’immobilier peuvent ainsi prévoir des rénovations, mais aussi vérifier si elles ont été efficaces, ou éviter des pannes, grâce à un suivi énergétique fin.

Distinction de Solar Impulse

Mais la solution gagne encore à être connue. « Beaucoup imaginent que nous nous contentons de réaliser un simple monitoring », constate Maël Perret. Pour crédibiliser sa solution, E-nno mise sur les événements spécialisés, le bouche-à-oreille ou encore la labellisation qu’il a obtenue par Solar Impulse, la Fondation de Bertrand Piccard, parmi les solutions pour 2030 reconnues « efficaces et rentables » pour le climat. En 2022, E-nno compte se développer en Suisse. L’entreprise couvrira alors 500 bâtiments supplémentaires… Mais Genève à elle seule en compte 16’000 qui sont intéressants pour elle.

Comment fonctionne votre technologie ?

Maël Perret : Nous sommes des ingénieurs en énergétique qui s’appuient sur la tech. Notre première mission est de comprendre le comportement thermique d’un bâtiment. Pour ce faire, notre technologie est en apprentissage durant quelques semaines, qui lui permettront ensuite de définir les meilleures pistes d’optimisation en fonction des variations climatiques et d’usage de l’immeuble. Par exemple : une chaudière fonctionne en mesurant une température extérieure et est programmée pour envoyer une courbe de chauffe assurant au bâtiment une température intérieure de 21 degrés. Mais s’il fait froid le matin et chaud l’après-midi, la chaudière chauffe trop et on ouvre les fenêtres à 13h ! E-nno anticipe cela automatiquement grâce à des données météorologiques. C’est un des nombreux points que nous étudions, parmi beaucoup d’autres, grâce à nos algorithmes.

Chaque solution est donc sur-mesure. Pourquoi inclure les économies réalisées dans votre business model ?

Nous constatons souvent peu d’engagement sur la performance dans le secteur énergétique. Nous souhaitions apporter de l’innovation, et nous sommes, il me semble, les seuls à s’engager de cette façon : ce sont les économies d’énergie réalisées qui financent le suivi environnemental des bâtiments et le client bénéficie des données, en toute transparence, ce qui lui permet aussi ensuite de voir où effectuer des travaux de rénovation.

Le mode de financement est le suivant : pour chaque franc économisé dans le bâtiment une part est facturée sur notre service. Nous ne travaillons qu’en B to B pour le moment, et que sur l’énergie, notre base est de rendre l’optimisation énergétique automatique et autonome. A terme, ce travail pourrait se faire chez les particuliers et sur la gestion d’autres services du bâtiment.

Quelle a été la principale complexité de ce projet ? Etait-elle technique ou entrepreneuriale ?

Les deux : il a fallu itérer longtemps sur la partie « hardware » car pour les cinquante premiers bâtiments, chacun comptait une nouvelle donnée qu’il fallait intégrer. Sans compter l’interopérabilité à construire entre nos systèmes et ceux en place sur site.

Enfin, il est toujours compliqué de garder une croissance organique, c’est-à-dire sans fonds externes, alors que la technologie évolue encore. Il faut des contrats pour permettre d’investir dans d’autres développements qui permettent à terme, d’obtenir de nouveau contrats, etc.

En quoi GENILEM vous a aidés ?

Comme ingénieurs, nous sommes très intéressés par la technique et pas le reste… GENILEM nous a challengés sur notre communication, la structuration de notre entreprise, et notre business model, qui peut entraîner quelques complications juridiques. Enfin les « déjeuners parrains » organisés par GENILEM nous ont apporté un recul précieux, des questionnements très utiles et nous ont permis de valider certains de nos choix, comme la fabrication de nos équipements en Suisse, par exemple.

Est-ce que vous vous définissez comme une entreprise à impact, est-ce une aide pour recruter?

Oui, on voit que cela nous permet de rester « sexy » sur le marché. De nombreux jeunes étudiants nous contactent pour réaliser des travaux de master, ils apportent des idées nouvelles, nous donnent des pistes précieuses, par exemple sur l’optimisation de la production d’eau chaude sanitaire. De plus en plus de personnes sont intéressées par des entreprises qui ont du sens. La technologie et la data science ne les intéressent plus vraiment si c’est pour extraire du pétrole…

Propos recueillis par Camille Andres