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Adopter la méthode LEAN et le MOM TEST pour minimiser les risques

By: GENILEM | juillet 18, 2022 | 4 min de lecture

« On a peur de se tromper, alors qu’on devrait avoir peur d’être sûr·e de soi ». Pour Christophe Barraud, coach chez GENILEM, plus vite on se rend compte de ses erreurs, moins on prend de risque.  

La démarche LEAN, démocratisée par Eric Ries, et la méthode du MOM TEST, décrite par Rob Fitzpatrick, sont plus que des outils entrepreneuriaux. Il s’agit d’états d’esprit qui peuvent changer la donne malgré leur apparente simplicité. Que ce soit dans le cadre de séances de coaching avec des porteuses et porteurs de projets ou au sein de ses propres activités entrepreneuriales, Christophe Barraud met en pratique ces techniques pour diminuer le risque d’entreprendre et accélérer l’émergence de bonnes idées. 

Explications et conseils pratiques dans cette interview, qui s’inscrit dans notre série de portraits consacrés à nos coachs en développement d’entreprise. 

LEAN et MOM TEST — qu’est-ce que ça signifie et quel est leur intérêt pour quelqu’un qui démarre ? 

Christophe Barraud : Dans le milieu entrepreneurial, on entend souvent l’expression « être LEAN ». La traduction littérale de ce mot pourrait être « maigre », « sans excédent de gras », ce qui illustre bien cette méthodologie. Faire avec peu, sans créer trop de choses avant de le tester.  

Selon Eric Ries (http://theleanstartup.com) le LEAN, c’est un cercle, le plus petit possible. On commence par avoir une idée, on trouve le moyen le plus simple et direct de le tester avec des clients potentiels, on apprend, et soit on fait une nouvelle itération, soit on pivote, on change d’idée. L’objectif de cette méthode c’est d’apprendre vite pour pas cher, et ainsi optimiser ses ressources. 

Beaucoup de personnes ne se confrontent aux autres que très tard et ne vérifient ainsi l’adéquation entre leur produit et le marché qu’au moment où elles se sentent prêtes à vendre. Que ce soit par peur du jugement (est-ce que mon idée est bonne ?), par crainte d’être copié·e, ou parce que le prototype est encore en développement, peu importe : attendre, c’est repousser le moment de vérité, la rencontre avec la réalité. La question légitime qu’on peut se poser ensuite, c’est comment tester son idée ? 

C’est là que Rob Fitzpatrick (www.momtestbook.com) et son MOM TEST viennent à votre secours. Si vous allez voir votre mère en lui disant « Eh maman, j’ai une idée d’entreprise, je peux t’en parler ? », vous allez certainement ressortir de cette discussion avec beaucoup d’hypothèses biaisées. Votre mère ne veut pas que vous vous plantiez, mais elle ne veut pas non plus vous faire souffrir, donc elle ne vous dira pas complètement la vérité. Ou pire, vous n’entendrez probablement que ce que vous voudrez entendre. Le MOM TEST, c’est un ensemble de règles et de questions qui vous permettront de tirer des informations utiles à votre business, même auprès de votre mère. 

Comment mettre en œuvre ces pratiques ? 

Christophe Barraud : Un excellent exemple récent vient d’une équipe de deux entrepreneurs, Ludovic Delafontaine et Vincent Guidoux, que j’ai pu suivre durant huit semaines dans le cadre d’une formation donnée en collaboration avec la Fabrik, la cellule d’innovation de la HEIG-VD. Les deux avaient un profil technique, une expérience dans un festival de musique et l’idée de créer une app permettant aux festivaliers de faire des dessins sur leurs smartphones qui seraient ensuite projetés contre un mur. Pensant permettre aux festivals d’améliorer leur attractivité grâce à cette activité innovante, ils sont allés discuter avec des gens du milieu et ils se sont vite rendu compte que pour se différencier, les festivals misaient sur les artistes et qu’ils n’avaient pas de budget pour une telle application. Ils ont fait ça avant d’écrire la moindre ligne de code !  

Durant les discussions avec leurs clients – festivals et salles de concert –, ils ont découvert d’autres besoins qui semblaient plus importants, notamment celui de trouver du public pour les artistes débutant·es. Et ainsi, en écoutant leurs clients, ils ont décidé de pivoter vers une autre solution qui répondait mieux à un réel besoin. 

Dans mon expérience startup, j’ai pu apprendre la valeur de cet état d’esprit à travers une grosse erreur de jugement. On sortait LE produit qui nous manquait (c’est ce qu’on croyait !), on était très sûr de notre offre (on avait fait des études de marché !), alors au moment de la mise en production, j’ai voulu faire des économies d’échelle et j’ai commandé 2’000 exemplaires de ce produit. Au premier Noël, on en a vendu 45. Sans compter les problèmes de production, les boîtes qui n’étaient pas assez résistantes, et j’en passe.  

En étant trop sûr de moi, j’ai pris un gros risque financier pour un produit qui n’avait pas encore réellement rencontré son public et prouvé sa valeur. On a fini par devoir transformer certains de ces produits pour arriver à les vendre. Bref, une erreur qui coûte. Alors récemment, quand je me suis lancé dans la publication d’un roman et que j’ai dû décider du nombre d’exemplaires, j’en ai pris 50 ! Résultats, moins de risque, un stock moins important et la possibilité de faire une retouche entre temps (que j’ai dû faire au final !). L’économie d’échelle se fera quand la preuve de marché sera moins discutable

À quel risque s’expose un·e entrepreneur·euse qui ne suivrait pas ces méthodologies ? 

Christophe Barraud : Le plus grand risque, c’est la perte de temps, d’énergie, de motivation et, par ricochet, la perte financière.  

Si vous présentez votre projet en étant centré sur votre solution et ses fonctionnalités plutôt que sur les besoins de vos clients, vous vous exposez à des biais. C’est malheureusement fréquent de voir des personnes, convaincues que leur projet a un vrai potentiel, continuer encore et encore à le développer. C’est souvent plus confortable de se réfugier là où on est compétent. Pour les ingénieurs comme moi, ce sera dans le développement technique. Pour les designers multimédias, ça pourrait être dans la création d’un site web, d’un flyer, d’une présentation. 

Présenter votre projet ou recueillir des informations sur vos clients peut vous amener à devoir revoir votre idée, voire à l’abandonner. C’est dur, mais c’est toujours mieux de le savoir trop vite que trop tard. 

Un dernier conseil pour la route ? 

Christophe Barraud : Commencez par regarder cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=Hla1jzhan78. Ensuite, demandez-vous qui sont les acteurs du marché que vous visez (clients, utilisateurs, prescripteurs, concurrents). Finalement, enfilez vos baskets et allez leur parler. Comme ça. Sans développer de prototype, de flyer, de site web. Prenez peut-être juste le temps de faire une carte de visite à votre nom, et encore, un compte LinkedIn ou Instagram peut largement suffire. 

En deux mots, sortez de votre zone de confort et allez voir vos clients. Testez rapidement, pas cher et apprenez. Soyez humble et dites-vous que tout prendra trois fois plus de temps que prévu et que tout coûtera trois fois plus cher qu’estimé. Donc autant vous investir quand vous aurez plus de certitude !