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L’échec n’est pas ce que l’on croit

By: David Narr | décembre 19, 2019 | 4 min de lecture

La dernière expédition de Mike Horn, une traversée du Pôle Nord à skis, s’est soldée par un rapatriement. L’aventurier et son acolyte Børge Ousland ont rencontré des conditions extrêmement difficiles en raison du réchauffement climatique. Peut-on parler d’échec ?

Je trouve le terme très fort, sans doute trop. L’échec a une connotation négative. Sous ce terme, on comprend implicitement qu’un élan est stoppé net, qu’une erreur a eu lieu sur toute la ligne. Pourtant, à y regarder de plus près, les situations sont souvent bien plus diverses et nuancées. Abandonner un business ne signifie pas subir un échec. Entre les deux, il y a un monde, que j’aimerais explorer ici.

1. L’échec ou la réussite n’existent qu’en fonction d’un objectif

Tout le monde n’a pas la même intention en créant une entreprise. Certains le font dans le but de voir leur structure rachetée par un grand groupe, d’autres pour la faire grandir par eux-mêmes, d’autres encore pour transmettre un patrimoine à leurs enfants.
Aussi, lorsqu’une start-up cesse son activité et qu’on retient que «l’aventure entrepreneuriale s’est soldée par un échec », on a souvent tout faux. Et si l’entreprise avait été conçue, dès le début, pour être reprise? Et si l’entrepreneur avait tout simplement eu besoin de cette expérience pour mieux cerner son marché? Et si Mike Horn, par la tournure qu’a prise son expédition, avait réussi à alerter certaines personnes sur la réalité du réchauffement climatique ? Les sportifs le savent bien : parler de réussite ou d’échec n’a de sens que rapport à le ou les objectifs préalablement fixés.

2. Un projet qui s’achève n’est pas un échec

On peut avoir convaincu des investisseurs, levé des fonds, recruté des employés, motivé une équipe, convaincu des clients…et malgré tout faire faillite, ou devoir arrêter. Parce qu’on n’a pas su s’internationaliser, changer de marché à temps, parce que le secteur ou la période économique n’était pas la bonne.
Pour autant, rares sont les aventures entrepreneuriales dont on n’apprend rien. En général, une expérience qui s’arrête débouche toujours sur une meilleure connaissance. Compétences techniques (savoir recruter, apprendre à lever des fonds), savoir-faire relationnel, mais aussi et surtout meilleure connaissance de soi.
Le chemin entrepreneurial, parce qu’il nous expose très vite à nos propres limites est sans doute la meilleure école pour savoir ce qu’on est capable de faire (ou non) et ce dont on a envie (ou pas). Ce savoir sur soi reste une force précieuse, quelle que soit la carrière professionnelle que l’on embrasse ensuite.
Si vous pouvez établir la liste de ce que vous avez appris d’une situation, si vous ressortez d’un projet mieux outillé, mieux armé, il sera impossible de qualifier ce vécu d’échec.

3. Une expérience n’est pas un échec

GENILEM a accompagné Alessandro Soldati un entrepreneur, qui a lancé Cronodeal.ch, site de vente en ligne qui a dû cesser ses activités en raison de la concurrence acharnée du secteur, de ses marges trop faibles…
Cependant, son expérience et son savoir-faire dans ce secteur pointu ont valu à Alessandro d’être repéré par une grande plate-forme qui l’a recruté pour lancer un projet de vente et de stockage d’or en ligne. Si son projet initial s’est interrompu, il lui a ouvert de sacrées portes.
Si Alessandro a su ainsi rebondir, c’est aussi et surtout parce qu’il a prouvé ses capacités entrepreneuriales, qui demeurent valides même si son premier site n’a pas perduré. Et c’est aussi car il s’est montré fiable en situation de crise : il a su cesser son activité à temps, et régler les salaires de ses employés, payer ses fournisseurs et ses différents partenaires. Manquer de respect aux partenaires reste inacceptable en Suisse, où l’écosystème entrepreneurial demeure très petit.
Le projet n’a peut-être pas atteint son marché, mais son porteur a prouvé son envergure en tant que chef d’entreprise, comme responsable et porteur de projets. Des compétences qui seront précieuses dans bien d’autres contextes.

4. La notion de succès doit être repensée

Il est très important de définir le succès. Mais il est tout aussi crucial de comprendre que cette définition est éminemment personnelle.Quand il s’agit de start-up, on le résume parfois hâtivement au montant de fonds levés. Or, parfois, les entrepreneurs qui réunissent des centaines voire des millions de francs regrettent le fait d’avoir des investisseurs. Ils voient leur autonomie bridée, se retrouvent à travailler des heures avec une pression immense, pour un projet qu’ils ne maîtrisent plus.

A chacun, donc, de savoir ce que signifie pour lui « réussite », « succès », « accomplissement ». Tout en sachant que le chemin entrepreneurial ne garantit qu’une seule chose : les incertitudes. Aussi, si ce chemin en lui-même, pavé de rencontres et de tensions, n’est pas vécu comme une aventure follement intéressante par les premiers concernés, mieux vaut peut-être reconsidérer sa voie…
Le succès consiste peut-être moins à voir un projet se dérouler sans anicroches que de sentir sa propre personnalité s’épanouir au fil des mois.

 5. Le vrai échec ? L’entêtement

« L’erreur est humaine, persévérer est diabolique » dit l’adage. Si on devait définir l’échec, c’est ici qu’il faudrait commencer à creuser. En effet, l’échec se situe selon moi sur la ligne ténue qui sépare la persévérance de l’entêtement.
La première attitude consiste à ne pas se décourager au premier obstacle, à apprendre de chaque problème, à faire preuve de ténacité voire de courage.
La seconde confère à l’aveuglement, illustre un total manque d’écoute, et une attitude simplement bornée, incapable de la moindre progression.
Accepter de l’aide, c’est accepter ses limites, cela demande un effort et n’est pas donné à tout le monde. Et ce n’est en aucun cas un signe de faiblesse. Plutôt la preuve que vous êtes allés au bout de vos forces, et que vous les avez même dépassées.

Demandez à Mike Horn !