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Entrepreneuriat féminin : il est temps de comprendre les blocages

By: David Narr | mars 8, 2021 | 3 min de lecture

GENILEM encourage l’entrepreneuriat, indépendamment du genre. Mais force est de constater que les entreprises fondées par des hommes sont plus nombreuses parmi nos jeunes mentoré·es.

Qu’est-ce qui empêche les femmes d’entreprendre ? 

Lors de nos réunions d’information, ou pour nos formations, elles sont surreprésentées. Les femmes représentent en effet 52% des personnes participant aux cours d’entrepreneuriat chez GENILEM. Une statistique qui s’inverse par la suite, lorsqu’il s’agit d’accompagner une entreprise effectivement fondée. 2/3 des entreprises accompagnées par GENILEM sont fondées et dirigées par des hommes, seules 15% sont dirigées par des femmes. 

En chiffre, on compte 6 femmes entrepreneures pour dix hommes qui ont choisi la même voie, un chiffre qui a tendance à se réduire au fil des années mais montre tout de même une solide disparité.  

Evidemment, une telle chute ne manque pas de nous interpeller. Si les femmes nous consultent massivement pour pouvoir se lancer, pourquoi sont-elles si peu nombreuses ensuite, à rejoindre nos programmes ? Se lancent-elles sans aides, ou pas du tout ? La situation pose une série de questions. 

D’abord, bien évidemment, nos critères de sélection seraient-ils excluants ? Stricts, ces derniers concernent la nature de l’innovation, le modèle d’affaire et la vitesse de la croissance… A priori, ils n’ont rien à voir avec le genre. Est-ce que des secteurs d’innovations plus féminins nous échapperaient ? Plusieurs études ont en effet montré que les femmes sont plus nombreuses à créer des entreprises dans les secteurs de l’action sociale, les activités vétérinaires, l’habillement et les services à la personne. Mais l’innovation n’est pas exclue de ces secteurs. Et c’est l’innovation, avant tout, qui suscite le soutien de GENILEM.  

Est-ce le discours sur l’entrepreneuriat, qui est à revoir ? En effet, dans l’idée commune, la condition des chef·fe·s d’entreprise reste souvent associée à la solitude et aux difficultés. Pourtant, depuis dix ans, cette réalité a changé : un véritable écosystème d’aide à l’innovation s’est enraciné. Les étudiant·e·s ont désormais accès à toute une série de cours, de structure de soutien managérial et financier. La figure de l’entrepreneur·e a même été glorifiée… Fonder sa propre structure est aujourd’hui une option comme une autre à la sortie des études. Reste que les motivations ne sont pas les mêmes entre les femmes et les hommes. 

Est-ce la spécificité de l’ « entrepreneuriat féminin » qui n’est pas comprise ? Il existe un « entrepreneuriat féminin », appuyé par plusieurs études. On sait ainsi que « le capital investi au démarrage est moindre chez les femmes que chez les hommes. Les femmes déclarent en général moins souvent vouloir croître, s’internationaliser ou créer des emplois. Enfin, elles investissent plus que les hommes le champ de l’entrepreneuriat social. » On sait aujourd’hui que cet entrepreneuriat spécifique est moins bien soutenu, par exemple que les investissements dans les start-ups féminines sont moins importants en raison de préjugés sexistes ancrés et persistants, et ont d’ailleurs chuté dramatiquement en 2020. Peut-être y aurait-il ici un fonctionnement ou des valeurs spécifiques à creuser, pour mieux les accompagner, comme le fait par exemple SoftWays sur Genève et Lausanne. 

Est-ce le leadership féminin qui doit être adressé différemment ? Les femmes sont reconnues pour être de meilleures leaders, y compris en temps de crise. Mais cette connaissance est uniquement scientifique. Dans les faits, les biais de genre sont toujours solides. Ainsi, les femmes sont moins encouragées à développer des compétences managériales que leurs collègues masculins. De plus, comme le font remarquer certaines auteures, c’est peut-être la culture même du leadership qui est à questionner. A force de glorifier la confiance en soi comme qualité première de leader, on cantonne les personnes qui ne correspondent pas à ce modèle comme victimes du syndrome de l’imposteur. Et si au lieu de pointer ce qui « manque » aux femmes pour être entrepreneures, on développait une culture de travail qui leur corresponde ?  

Est-ce la culture de l’entrepreneuriat qui doit être repensée ? Chez GENILEM, nous constatons bien qu’organiser un atelier le week-end où le soir à 18h aura pour conséquence que peu de femmes y participeront. On peut le déplorer, mais de fait, en Suisse, les femmes sont encore majoritairement chargées de la gestion du foyer et des enfants. On peut le déplorer. Mais on peut aussi s’interroger : l’idée reçue selon laquelle entreprendre est un métier « passion », à mener nuit et jour sans pause est-elle saine ? Quel·le professionnell·e peut décemment tenir ce rythme, consacrer ses soirées et ses weekends à son activité s’il veut tenir dans la durée ? Et si allier carrière & famille n’était pas un problème féminin, mais qu’il nous concernait toutes et tous, n’y gagnerions-nous pas chacun et chacune en qualité de vie ? Faire un burn-out n’a rien de glamour. 

Comment encourager l’entrepreneuriat féminin ? Les causes sont manifestement structurelles, aussi GENILEM ne choisit pas d’ « empowerer » les femmes, mais plutôt de soutenir des initiatives qui permettent une vraie réflexion sur l’entrepreneuriat au féminin, par exemple , participer à des programmes d’entrepreneuriat féminin ciblés comme les ateliers Etincelles de la HEIG-VD ou encourager des journées de promotion de l’entrepreneuriat féminin telles que Women Entrepreneurship Days

Comprendre ne coûte rien, mais se libérer de ces blocages est un apport crucial pour nous permettre d’avancer vers plus d’égalité et donc plus de richesse et de dynamisme pour le tissu entrepreneurial romand.