Portraits d'entrepreneurs

Resilio se positionne dans les standards du numérique responsable

By: GENILEM | septembre 14, 2023 | 5 min de lecture
resilio portrait

La startup vaudoise a développé une stratégie exigeante mais payante d’excellence dans l’analyse de l’impact environnemental du digital. Elle a doublé ses effectifs en un an.

À l’origine de Resilio, il y a le Zero Emission Group, une association estudiantine de l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) active dans les questions environnementales. En son sein, un pôle se spécialise dès 2019 dans la question de l’empreinte environnementale du numérique. Les étudiant·es mènent notamment une étude pour l’EPFL sur le domaine de la durabilité numérique de l’Uni. Ils rencontrent très vite Frédéric Bordage fondateur de GreenIT.fr, un spécialiste nourri de plus de vingt ans d’expertise en numérique responsable, principalement actif en France.

En 2020, la collaboration entre GreenIT.fr et Zero Emission Group s’intensifie. Et l’EPFL soutient le projet de création de Resilio, entreprise spécialisée dans la transition numérique durable en Suisse et en Europe. En janvier 2022, cette SA est officiellement co-fondée par onze associé·es, qui apportent chacun·e une part à son capital, évitant ainsi de recourir à des fonds externes. Parmi elles/eux, huit étudiant·es à l’EPFL, ainsi que Frédéric Bordage lui-même, et deux membres du collectif GreenIT. À sa tête, trois étudiants de l’École polytechnique : Amael Parreaux-Ey (CEO, étudiant en sciences de l’environnement), Rosendo Mañas Faura (COO, étudiant en microtechnique) et Auguste Baum (CTO, étudiant en sciences des données).

En 2021, Resilio remporte le prix Entrepreneurship Award du programme EPFL Changemakers.

Dès sa création la structure se spécialise dans une évaluation environnementale qui se distingue du « simple » bilan carbone. Elle choisit d’évaluer l’analyse du cycle de vie des produits et des services numériques, calcul plus exigeant et plus complet que le bilan carbone. Surtout, elle se donne comme objectif de le démocratiser, ce qu’elle réussit grâce à un logiciel (en format Saas, software as a service).

Aujourd’hui, Resilio emploie 25 salarié·es, et est autofinancée par ses services. L’entreprise comprend quatre pôles d’activités. Resilio tech développe et améliore son logiciel d’analyse d’impact. Resilio consulting accompagne les clients pour mettre en place des stratégies ESG/Green IT dans les activités numériques et conseille les entreprises en écoconception de produits et services numériques. Resilio academy propose des formations d’équipes et ateliers autour du numérique responsable. Resilio Database, le pôle R&D, innove pour offrir à la structure les outils les plus pointus du domaine, l’enjeu actuel étant par exemple de créer une base de données dynamique.

La jeune entreprise compte déjà une série de clients de référence, notamment dans le domaine du luxe, et commence à se développer à l’international. Elle collabore aussi avec des institutions de référence, comme l’ADEME en France (Agence de la transition écologique), pour contribuer à l’élaboration des normes dans le domaine du numérique responsable ainsi que la Commission européenne. En interne, elle vise à offrir à ses collaboratrices et collaborateurs un cadre de travail qui a du sens et une gouvernance bienveillante et très horizontale. Explications avec Gabriela Haenel, COO et co-fondatrice de Resilio.

Quelle est l’innovation apportée par votre outil d’évaluation ?

Gabriela Haenel : Notre Saas permet aux organisations et consultant·es d’évaluer l’empreinte environnementale des produits et services numériques. Notre but était d’apporter une évaluation environnementale accessible, mais toutefois conforme aux normes ISO régissant l’analyse du cycle de vie. Notre Saas permet également aux responsables IT de prendre des décisions informées sur l’impact de projets numériques. Si un·e dirigeant·e se demande si mettre en place une architecture IT ou une autre pour son parc de data centers, nous lui permettrons de prendre une décision informée avec un bilan environnemental (comme on le fait avec un bilan financier).

Quel est votre modèle d’affaires ?

Notre R&D est financé par nos missions de conseil. Et notre outil Saas est vendu avec une licence annuelle. Enfin, notre outil est utilisé sous licence par des cabinets de conseils.

Quel est l’intérêt d’être coaché par GENILEM, alors que vous avez énormément de compétences différentes parmi vos nombreuses et nombreux co-fondateurs ?

GENILEM nous a été d’une grande utilité, grâce aux différents expert·es mis à disposition.

Nous nous sommes beaucoup servis du coaching pour la structuration de notre entreprise, que ce soit sur des aspects financiers, marketing, ou administratif. Nous avons pu également bénéficier de conseils plus spécifiques, par exemple venant d’une « Product Owner » pour le développement de notre plateforme.

Quelle est la place de la durabilité dans l’entreprise ?

Resilio se doit d’être exemplaire en matière de politique environnementale. Nous appliquons les bonnes pratiques que nous recommandons à nos clients, notamment le BYOD (Bring Your Own Device, le fait d’apporter son propre équipement, NDLR), ou l’application de politiques sur l’allongement de la durée de vie du matériel. Nous effectuons actuellement les démarches pour obtenir la certification B Corp (label reconnu en matière de durabilité, NDLR).

Vous participez à l’élaboration de normes dans le domaine où vous êtes actifs, pour l’ADEME, quel est l’intérêt de cette activité, qu’on imagine chronophage, pour une entreprise ?

Nous participons en effet à l’élaboration d’un standard européen et français d’évaluation pour entreprises, dans le domaine du numérique responsable, sous le chapeau de l’ADEME.

Ce rôle nous apporte un statut d’expert dans notre domaine. Cela nous permet également de suivre l’élaboration des normes de l’ADEME et de l’UE vers lesquelles nous souhaitons aller en tant qu’entreprise.

La contrainte de ce statut d’expert, c’est que cela nous impose de faire comprendre à nos potentiels clients l’intérêt d’opter pour une démarche aussi poussée. On doit quelque part former nos clients en avant-vente. Les clients peu matures ou ayant un faible budget alloué au numérique responsable veulent souvent un bilan carbone moins cher, plus rapide. Nous devons alors leur expliquer pourquoi il est pertinent d’aller vers un modèle ACV (analyse de cycle de vie, NDLR).

Qu’apprenez-vous de vos clients dans le secteur du luxe ?

Que parfois, nous ne sommes pas assez focalisés sur la forme, dans notre dimension commerciale ! Nous apprenons petit à petit ! La plupart de nos employé·es sont des ingénieur·es EPFL, la création de powerpoints dans un but commercial n’est pas leur point fort, mais nous nous améliorons !

Qu’est-ce que la gouvernance partagée apporte à l’entreprise ?

Ce modèle n’est pas déterminé, ici aussi nous apprenons et nous évoluons. Nous nous inspirons notamment d’un modèle de gouvernance partagée comme celui de Loyco, pour petit à petit arriver à trouver notre propre modèle. En termes d’attractivité, cela joue un énorme rôle pour le confort de travail de nos employé·es : responsabilités partagées dans l’équipe, approche la plus horizontale possible, discussion à tous les niveaux de la chaîne, flexibilité en termes d’horaires, abstraction des formalités inutiles, confiance… Pour une startup qui ne peut pas se démarquer en terme salarial, ce cadre de travail fait la différence lors des recrutements.

Propos recueillis par Camille Andres