Pour réseauter, commencer par écouter
Il est courant d’asséner que développer son réseau est clé pour un ou une entrepreneure. Au-delà du cliché, nouer des relations d’affaires solides demande une certaine ouverture et une vraie maturité.
L’éditeur de jeux Helvetiq a été pionnier dans bien des domaines, notamment dans la vente de jeux de société en librairie…parce que leur fondateur, Hedi Barkat, connaissait particulièrement ces lieux et leurs équipes, qu’il appréciait à titre personnel. La bière SWAF de Dr Gab’s, aujourd’hui parmi les best-sellers de la marque, est née de discussions entre les fondateurs de la brasserie vaudoise et leurs premiers clients, les bars.
C’est ainsi : derrière les succès, les innovations ou tout simplement les développements d’entreprise, il y a toujours une histoire de rencontre décisive. Un « coup de cœur » intellectuel. Ou bien une confiance solidement établie et construite au fil des ans. Ce qui permet à une idée de se transformer en réalité, de trouver son public c’est l’énergie suscitée par des convictions –et des intérêts– entièrement partagés. Rencontre décisive entre deux ingénieurs qui unissent leurs forces pour fonder une entreprise, soutien d’une conseillère bancaire qui ouvre son carnet d’adresse à une porteuse de projet, soutien d’un investisseur qui, outre ses fonds, apporte ses conseils stratégiques à une startup, etc.
Toutes ces rencontres sont des manifestations de ce qu’on appelle au sens large « le réseau ». Car réseauter va bien au-delà de « trouver des personnes à qui vendre ses produits ou services ». S’ouvrir, écouter, échanger peut apporter beaucoup. Tout porteur ou porteuse de projet gagne toujours plus de se nourrir des regards extérieurs, que de garder son idée pour soi au risque de craindre qu’on la lui « vole». (Rappel utile : en entreprise, ce n’est pas l’idée qui compte, mais la capacité à l’exécuter.) Les rencontres humaines peuvent ouvrir une série infinie de possibilités : une innovation (comme pour la bière de Dr Gabs), une compétence rare à recruter, une solution à un problème mineur mais récurrent (juridique par exemple), une ouverture à un nouveau marché… Ou rien du tout ! C’est le principe de la sérendipité, ou le don de faire sens de rencontres ou situations nées du hasard – pour le dire vite.
Capital pour permettre le développement d’une société, le réseau fait d’ailleurs partie des trois piliers d’accompagnement de GENILEM, aux côtés de l’aide opérationnelle et de l’aide stratégique. Mais le développer de manière stratégique demande d’accepter de quitter le temps ultra-accéléré du business pour sincèrement s’ouvrir aux autres. Comment ? En prenant le temps de la rencontre justement, pas du « contact », ou de « la mise en relation ». Pour que le sens puisse émerger, il faut accepter de pouvoir laisser la place à un minimum de profondeur. Rencontrer demande de connaître l’autre, savoir d’où il ou elle vient, ce qui l’anime sincèrement, ce à quoi il ou elle aspire… Parfois ces informations ne seront pas explicites ou verbales, il faudra les lire entre les lignes, les comprendre par des choix de parcours ou des silences. Dans tous les cas, cela demande du temps, de l’attention et de l’écoute.
« Mais je n’ai pas ce temps ». C’est la réponse de chaque porteur ou porteuse de projet. Vraiment ? L’échange réel ne demande pas plus de temps que « le contact », simplement des choix plus réfléchis. Qu’est-ce qui est plus utile ? Passer deux heures chez un fournisseur ou un client important, pour comprendre son organisation, son installation et ses besoins ? Ou participer à une manifestation de 1500 personnes avec des échanges de deux minutes en moyenne et distribution de cartes de visites qui s’empileront sur des bureaux surchargés ? Evidemment, l’un n’exclut pas l’autre. Les grandes foires ou rendez-vous peuvent être utiles pour être vu lors d’une phase de développement stratégique. Mais développer un réseau solide commence par un travail simple et quotidien d’écoute et de disponibilité, à l’échelon local.
Connaissez-vous les gens qui partagent votre bureau, votre étage ou votre immeuble ? Combien d’associations ou d’entreprises sont actives dans votre quartier, et quel est leur secteur d’activité ? La proximité permet parfois des collaborations facilitées ou fructueuses. Cette approche concerne aussi votre activité ou votre secteur. Que savez-vous de vos clients et clientes ? Quand est-ce que votre fournisseur principal devra partir à la retraite ? Est-ce que vos investisseurs principaux ont des passions particulières ? Autant d’éléments qui peuvent vous aider à nouer des relations plus « humaines », un détour qui s’avère toujours payant lorsqu’il s’agit de faire appel à des ressources sur le plan du « business ».