Portraits d'entrepreneurs

Organy, faire de la consommation écologique un plaisir 

By: GENILEM | octobre 18, 2022 | 6 min de lecture
Clarisse Pitton Organy

Comment concevoir le commerce le plus écologique qui soit ? A Genève, Clarisse Pitton a réuni plusieurs critères : local, zéro déchet et bio, dans une marque-enseigne, Organy. Centrée sur le consommateur, l’offre se veut simple, pratique, mais aussi…esthétique !  

C’est une entrepreneuse expérimentée : Clarisse Pitton a déjà dix ans d’expérience. Avant de lancer Organy, elle a fondé une enseigne de slow-fashion, proposant des vestes à base de peaux de moutons en Italie et en Espagne. La gestion d’une marque, elle connaît. Le secteur de l’alimentation lui, l’attire parce qu’enfant, elle était très liée à ses grands-parents agriculteurs, en Savoie puis en Isère. « Cet attachement à la terre m’a forgée et m’a donnée des valeurs de simplicité et d’humilité.» Elle est familière aussi de la distribution, pour avoir travaillé durant deux ans pour un grand groupe alimentaire français, en Scandinavie.  Mais la distribution de détail et l’agro-alimentaire sont d’autres défis. Dans lesquels elle s’est lancée avec son goût pour le design, la circularité, l’artisanat.  

Et aussi son envie d’innovation. « Quand je lance une entreprise, je déconstruis tout ce que j’ai appris, pour pouvoir refaire, en identifiant où des améliorations sont possibles », explique, déterminée, la jeune femme de 36 ans, diplômée d’économie d’une université parisienne. 

Alors que les initiatives se multiplient ces dernières années dans la consommation durable, Clarisse Pitton prend une bonne année pour réfléchir à ce qui pourrait représenter une vraie avancée pour le consommateur. Elle conclut que seule une solution lui permet de proposer un produit le plus bio, local, consigné, sans intermédiaire. A savoir créer une marque qui soit à la fois une enseigne. Autrement dit, avoir sa propre gamme de produits. Une gamme sélectionnée mais réduite, qui lui permet de diminuer les charges fixes (moins de produits donc moins de conditionnement, de mise en rayon, d’espace…)  

Le 1er octobre 2021, elle ouvre l’enseigne Organy, à Genève (quartier de Rive) qui réunit sa gamme. Les produits qu’elle a sélectionnés auprès de producteurs les plus proches et bio possibles, sont conditionnés par une entreprise sociale genevoise. Le tout dans des contenants en verre ou en cellulose de bois (matériau compostable). L’entreprise compte aujourd’hui trois équivalents temps plein, a vendu 30 000 paniers depuis son ouverture, et compte entre 100 et 150 clients par jour.  

Si le chiffre d’affaires ne couvre pas encore les charges tous les mois, la gamme de produits s’élargit régulièrement, ainsi que les services : la vente en ligne et la livraison devraient être disponibles sous peu. Entretien avec la fondatrice.  

 

boutique bio zéro-déchets

Comment vous différenciez-vous d’une enseigne bio/vrac/zéro déchet classique ? 

Clarisse Pitton : Nous offrons au consommateur le meilleur choix pour sa santé (bio), l’environnement (local au maximum, contenants durables) et pour l’économie locale (producteurs locaux privilégiés). 

Ceci tout en lui facilitant la vie au maximum : pas de temps perdu à choisir entre une série de marques (1000 références maximum), pas de vrac (tout est conditionné), des prix clairs (en vrac on n’a pas toujours conscience du prix final), pas de consigne à payer (par contre chaque pot ramené permet de gagner 10 centimes, consigne inversée). Par ailleurs, le magasin en lui-même se veut un espace agréable, élégant. Et nos contenants également, sans marketing agressif et parfois mensonger, pour mettre en valeur le produit, dans une esthétique simple et minimaliste. 

Organy boutique

Le poids du verre n’est-il pas un souci ? 

C’est peut-être le seul hic, le verre est en effet dix fois plus lourd que le plastique. Mais il a d’autres avantages : local, pas de migration de plastique dans les aliments, un aspect harmonieux (nous tentons d’utiliser au maximum le même type de contenants pour les boissons), réutilisable, etc ; de plus, notre clientèle est citadine, habituée à faire ses courses tous les deux-trois jours. Les familles qui achètent six bouteilles de lait d’un coup ne représentent pas la majorité. Quoiqu’il en soit nous proposerons bientôt un service de livraison à vélo. Mon objectif est le même depuis le début : développer tout ce qui peut rendre service au client. 

produits Organy

Pourquoi ce souci poussé de l’esthétique ? 

Effectivement, je ne veux pas juste qu’un produit soit écologique, je veux qu’il soit esthétique, design. Je choisis mes fournisseurs avec soin pour cela. L’idée est d’avoir des objets qui durent une vie. Je suis passionnée par l’art, et j’aurais adoré étudier le design. J’observe que nos intérieurs sont envahis par le packaging et par ailleurs, qu’une esthétique minimaliste a aussi une fonction pratique, elle impacte et facilite l’utilisation du produit.  

En créant votre propre marque et donc votre propre gamme de produits, vous devez créer un lien de confiance fort avec votre clientèle, une identité de marque très solide. Sur quoi repose-t-elle ? Avez-vous pensé à utiliser un label (B Corp, Bio…) ? 

Nous avons démarré par un crowdfunding qui a généré beaucoup d’articles de presse qui nous ont permis de nous faire comprendre, connaître et de communiquer nos valeurs. Mais cette confiance repose principalement sur le goût des produits et la transparence : le nom des producteurs est noté sur l’étiquette, le plus souvent nous n’avons pas d’intermédiaires. 

Pour le moment, nous n’avons pas le temps ni l’énergie pour nous lancer dans l’obtention d’un label, mais c’est une option que je pourrais considérer par la suite. 

Vous venez de la mode, vous vous lancez dans le commerce de détail alimentaire, comment avez-vous fait pour comprendre les spécificités de ce secteur ? 

Je n’ai pas voulu faire l’erreur de transposer les éléments d’un secteur à un autre. Je ne connaissais rien à ce domaine, J’ai donc voulu comprendre mon client, sa manière de consommer. J’ai beaucoup observé : les marchés, les magasins, j’ai discuté avec les vendeurs, réfléchi à quelle solution je serais moi-même prête à adopter et je me suis dit que d’autres personnes pourraient adhérer à la démarche. En parallèle, j’ai aussi lu beaucoup d’études et de statistiques !  

J’ai sondé mes amis, il y a aujourd’hui une série d’outils pour recueillir l’opinion d’une centaine de personnes facilement. Instagram est aussi un réseau précieux de veille concurrentielle, pour savoir si un concept existe. Enfin, j’ai pris le temps d’aller voir des producteurs, pour comprendre dans quels cas et pour quels produits les consommateurs citadins étaient prêts à prendre la route pour acheter chez eux. 

Organy marque-enseigne durable

Dans ce lancement, quel défi a été le plus exigeant pour vous : local, business-plan, financement ?  

Le plus épuisant c’était d’être en parallèle sur plusieurs dossiers, et de devoir répondre à des attentes multiples d’un coup : fournisseurs, investisseurs, partenaires institutionnels… L’opérationnel m’a pris un temps fou, alors que j’avais pourtant réalisé une levée de fonds. J’aurais pu m’entourer de collaborateurs plus tôt, au lieu de tout faire moi-même avant l’ouverture. Et j’ai trouvé que les soutiens publics dans le domaine étaient plutôt timides. 

Les épiceries participatives sont légion, avez-vous envisagé le concept d’une épicerie citoyenne (tenue par des habitants d’un quartier, associative) ? 

Non, car je voulais créer de l’emploi et de l’emploi qualifié. Les projets associatifs ne permettent pas le niveau de professionnalisme que je souhaitais atteindre, et touchent souvent uniquement des personnes déjà informées et conscientisées aux problématiques de la consommation responsable. Or je voudrais atteindre un maximum de personnes, garantir un service et des informations parfaites sur les produits, avoir des vendeurs qualifiés qui connaissent nos clients.  

En quoi l’aide de GENILEM est-elle précieuse pour vous ? 

Je suis seule à la tête de ma structure. J’ai bien sûr des amis dans l’entrepreneuriat, des investisseurs mais la conversation peut être biaisée. Avec Cyril, mon coach GENILEM, j’ai une discussion franche et structurée, comme lorsqu’on va voir un psy. Quelque fois j’ai l’impression que tout est confus et en échangeant, j’arrive à poser des choses. Une fois que l’entreprise sera structurée, GENILEM offrira aussi un réseau précieux. 

Quels sont vos prochains défis ? 

Nous avons besoin de grandir: il nous faut prendre en main le développement de notre site web pour augmenter la distribution sans réaliser d’investissements trop importants. Mon autre souci c’est l’approvisionnement, nous devons achalander plus rapidement. 

Propos recueillis par Camille Andres

Crédits photos : Steeve Iuncker-Gomez, Organy