Portraits d'entrepreneurs

Meaty, une viande durable, des consommateurs impliqués 

By: GENILEM | février 16, 2023 | 4 min de lecture
Meaty fondateurs

Quand un boucher-charcutier et un ingénieur informatique repensent le circuit de transformation de la viande, cela donne Meaty : une entreprise durable, parce qu’elle implique ses consommateurs. Explications. 

Tout démarre en 2020 quand Yann Flores, boucher-charcutier, discute avec son ami d’enfance Ruben Magnin, ingénieur informatique spécialisé dans le développement web. Ce dernier remet franchement en question la consommation de viande, pour une série de raisons liées à la durabilité. Tous deux poussent la discussion jusqu’au bout et reconnaissent que pour consommer une viande à la fois responsable et qualitative, cette dernière devrait être : 

  • Locale 
  • Bio 
  • Respecter le bien-être animal tout au long de la chaîne : de la naissance de l’animal à la manière dont sa viande est valorisée, en passant par le transport du bétail. 

Une fois ces principes posés, les deux imaginent un concept qui pourrait permettre de produire et distribuer de la viande répondant à ces critères : acheter un animal, et le vendre à la découpe selon le principe du crowdfunding : plusieurs personnes achètent une partie de la bête.

En quelques mois ils développent l’idée, créent un site, et mi-2020, le premier partage d’un bœuf genevois a lieu dans le canton, pour une clientèle engagée composée d’amis, de collègues, de membres de la famille.

Au départ, Yann Flores réalise les découpes de l’animal à l’abattoir de Meinier. Meaty se développe et les entrepreneurs louent des locaux d’une boucherie place des Grottes. En novembre 2021, il élargissent le capital de l’entreprise et acquièrent leur propre local de transformation, dans un endroit passant et central (Boulevard du Pont d’Arve à Plainpalais). Après avoir atteint un plafond avec la vente en ligne, ils lancent un crowdfunding et transforment cet espace en magasin physique, ouvert à la clientèle depuis octobre 2022.

Boutique Meaty

Aujourd’hui, entre la clientèle physique et digitale, Meaty compte 1000 clients réguliers, propose deux bœufs à la vente chaque mois (ainsi que 3 porcs et 4 agneaux). Toute la viande est locale, 93% de l’offre est bio, et le stress pour les animaux a été quasiment éliminé – en moyenne le temps de trajet entre une étable et l’abattoir est de 10 minutes. La viande de bœuf est rassie environ trois semaines, gage de qualité et de tendreté – oui, on utilise ce mot pour parler des viandes ! Meaty envisage pour 2023 une « conquête, par étapes, de l’Ouest vaudois » : Nyon, Versoix, puis Lausanne et la Riviera. Explication avec son co-fondateur Yann Flores. 

Quel est le défi principal quand on veut repenser un système de production et de distribution alimentaire ? 

Yann Flores : Pour nous ça a été de trouver un local ! Nous avons compris que les ventes web atteignait un plafond, et qu’il existe une clientèle de quartier, une composante sociale dans la vente de viande locale de qualité. Il nous a fallu sept ou huit mois de recherche, durant lesquels on produisait tout en réalisant des visites régulièrement. Disposer de locaux adaptés implique d’avoir des évacuations au sol, des peintures adaptées, aucune poussière, des isolants… Les normes d’hygiène sont strictes. Heureusement nous avons pu bénéficier de l’expérience de personnes installées dans l’industrie carnière, milieu où j’ai développé un solide réseau en étant responsable des examens pour le CFC de boucherie. Mon conseil pour des jeunes qui débutent serait de s’entourer de professionnels pour ces choix essentiels. Dans notre cas, les pros installés ne nous ont pas vu comme des concurrents directs, car notre modèle d’affaires est différent.  

Votre modèle d’affaires, le financement collectif d’un animal, est-il viable ? 

Oui car si au début nous avons mis six semaines pour récolter de quoi acheter une bête, aujourd’hui, avec le volume de ventes que nous avons atteint et le temps nécessaire à la maturation, j’ai toujours deux bêtes d’avance sur les consommateurs. 

Cependant nous avons dû revoir nos prix, au démarrage. Nous pensions qu’acheter et découper directement l’animal réduirait les coûts, puisque nous supprimons des intermédiaires. Mais étant donné que nous achetons une viande locale et de qualité, nous nous devons aussi de valoriser cette dimension. Aujourd’hui nos prix sont ceux du bio suisse. 

Votre co-fondateur est expert du développement web, quel accent avez-vous mis sur le site ? 

L’expérience de Ruben a été précieuse pour le développement de tout le site. Il a décidé dès le départ de miser sur la qualité et l’efficacité, y compris pour le graphisme, l’expérience utilisateurs, ce qui a nourri notre crédibilité. Le site nous permet de cibler une clientèle intéressée par la viande éco-responsable. 

Votre développement a été rapide, sur quelle étape l’aide de GENILEM a-t-elle été déterminante ? 

A deux moments clés : le fait d’oser se lancer. Parler avec notre coach nous a permis de surmonter toutes les craintes initiales d’un porteur de projet de réaliser un première expérience, de tester le concept très rapidement. Ensuite pour se structurer : connaître nos charges fixes, pouvoir organiser le déroulé du mois suivant, connaître en détail nos étapes de développement. 

Votre entreprise est positionnée sur la durabilité, quels choix cela a-t-il entraînés pour vous ? 

En terme de communication, nous affirmons nos convictions sur le bien-être animal, et lorsque nous abordons le sujet avec des vegan ou des végétariens, nous trouvons finalement en eux des alliés parce que nous partageons avec eux cette préoccupation commune. 

En terme de prix, nous avons effectivement dû les ajuster au départ : ils sont acceptés par les personnes qui font le choix d’une alimentation responsable. C’est vrai qu’une personne en difficulté financière ne pourra manger Meaty qu’une fois par mois, mais nous participons à des repas d’associations pour rendre nos produits accessibles au plus grand nombre. 

Enfin, la durabilité est un chemin continu : notre problème actuel c’est la consommation de matières plastiques, le jour où nous travaillerons sans cela, ce sera une grande étape.  

Propos recueillis par Camille Andres