Portraits d'entrepreneurs

ID Genève, redéfinir le luxe

By: GENILEM | novembre 14, 2023 | 4 min de lecture
ID Geneve equipe

Des montres de luxe en matériaux recyclés ? C’est le pari que s’est lancé ID Genève, qui souhaite avant tout jouer le rôle d’aiguillon durable pour l’industrie du luxe.

Diplômé de l’Ecole Hôtelière de Lausanne, Nicolas Freudiger maîtrise parfaitement les codes du luxe. Après avoir travaillé deux ans comme responsable des ressources digitales pour une multinationale, il a souhaité retourner vers sa passion, le luxe et en particulier le secteur horloger, mais avec un objectif : le challenger. Il lance alors ID Genève. « Le nom renvoie à l’identité. On ne souhaite pas lancer une marque de plus, mais proposer une nouvelle identité du luxe. Or, redéfinir le luxe en 2023 c’est avoir un moindre impact environnemental, ne pas se baser sur l’extraction minière, changer la perception sur les matériaux recyclés… On ne veut pas pointer l’industrie du doigt : l’équipe réunit des enfants du swiss made. Nous sommes fiers de cette industrie, mais nous souhaitons l’inciter à travailler et communiquer sur sa circularité, et développer des innovation concrètes, traçables, quantifiables. »

Tout va très vite pour la jeune marque. En 2019, Nicolas Freudiger évoque le projet avec deux connaissances, qui rejoignent rapidement son aventure en tant qu’associés. A l’été 2020, le premier prototype de montre écofriendly est prêt. En décembre 2020, le premier financement participatif sur Wemake it réunit 350 000 francs en 48 heures, c’est 100% de l’objectif, atteint en un temps record. En mars 2023, ID Genève officialise un partenariat commercial avec Watches of Switzerland pour la Grande Bretagne et les Etats-Unis.  Les premières montres seront vendues, pour un tarif de 3500 à 4000 francs. ID Lab, laboratoire d’innovation de la startup a développé un bracelet entièrement compostable et travaille à la circularité complète de chaque composant de la montre.

ID Geneve presse

En octobre 2023, une nouvelle levée de fonds réunit deux millions de francs et surtout un investisseur de taille : Leonardo DiCaprio. L’acteur oscarisé et notoirement connu pour ses engagements écologiques avait notamment été égérie pour TAG Heuer. Il soutient désormais la transformation durable du secteur horloger. Aujourd’hui, ID Genève a vendu environ 600 montres, compte 7 collaborateurs et vise 1000 ventes dès 2024.  Retour sur un parcours fulgurant, avec Nicolas Freudiger.

La durabilité est centrale dans votre activité, comment la définissez-vous à l’heure où certaines entreprises cherchent encore leur identité en la matière ?

Nicolas Freudiger : On est « impact natif » comme nous n’avons pas d’héritage horloger, nous bénéficions d’une certaine liberté, on peut dire que la circularité est notre ADN. C’est ce qui nous différencie d’autres marques. Toutes les collaborations qu’on entreprend le sont avec ce critère et cet objectif : la durabilité.

Quelle est votre innovation principale ?

Notre entreprise même ! ID Genève se veut plutôt une plateforme d’éco-innovation qu’une marque de montres. Nous mettons en avant des collaborations et des innovations à travers des montres. Certaines technologies et matériaux que nous proposons ne sont pas encore utilisés dans l’industrie suisse, notre rôle c’est de les faire connaître, changer la perception à leur égard et le luxe est le meilleur moyen pour cela. Utiliser des métaux rares n’est pas durable, l’acier recyclé a les mêmes propriétés qu’un acier neuf, et il existe tellement d’alternatives au cuir animal. Notre but est de trouver un équivalent à ce qui se fait, mais durable, de le tester et de le commercialiser. Parfois cela prend du temps, il nous a fallu 57 prototypes avec une startup de Londres pour développer un bracelet compostable industriellement!

ID Geneve ecoconception

Quel a été votre principal challenge jusque-là ?

Changer les mentalités. Souvent, on arrivait chez des fournisseurs, on leur demandait « qu’avez-vous en stock qu’on puisse reconditionner ? » Et certains ne voyaient pas l’intérêt. Trouver des gens qui comprennent vos questionnements et les partagent est le plus grand défi. Arriver à convaincre des partenaires, les toucher par notre démarche. L’éco-innovation touche l’humain dans la société, donc cela demande de retrouver de l’humain dans un projet d’innovation, de voir l’interlocuteur en son entier, il a des enfants, une famille…

Comment avez-vous convaincu Leonardo DiCaprio de vous rejoindre ?

J’en parlais ouvertement, j’avais une vision de qui serait la bonne personne pour porter notre montre, et je l’ai partagée très simplement à une journaliste du New York Times lors d’une interview en 2021. Elle m’a dit que c’était une ambition assez forte, et je lui ai répondu d’une manière un peu sérieuse que je chercherai à travailler avec lui d’ici trois ans. C’était très ambitieux, mais nous voulons accélérer le changement ! J’ai donc pris les contacts jusqu’à son équipe, on s’est rencontrés à Los Angeles et on s’est assez bien trouvé. Il n’était pas dans une phase de faire des deals avec des marques, et la stratégie d’accompagner l’industrie dans une transformation profonde lui a parlé. Il se sent libre, il aime le produit, je crois que c’est ce qui l’a décidé à investir. Il a été très intéressé par tous les aspects de notre vision et de notre produit, c’est un partenaire impressionnant en termes d’affaires.

Leonardo Dicaprio et ID Geneve

Quelle a été l’aide de GENILEM dans votre trajectoire ?

GENILEM a apporté une visibilité régionale et nationale à notre projet, mais a aussi nourri des réflexions sur notre modèle d’affaires. Les avoir comme partenaires a été très utile.

Un conseil aux autres entrepreneurs ?

Donnez-vous les moyens ? Nous avons fait beaucoup de rencontres avant notre levée de fonds, et elles ont eu lieu en petit comité – c’était l’époque du covid. Cela nous a permis d’avoir plus d’impact et des échanges de qualité. Il faut donner 100% de son attention à chaque rencontre et chaque interaction, à la moindre conversation. Cette conviction me vient de la danse : quand je danse, j’y met de l’intention.

Je suis assez contre l’idée qu’il faut se tromper trois fois pour réussir. Mais plutôt qu’il faut y aller avec ses valeurs. Les rendements financiers ne peuvent pas être les seuls critères décisionnels, travailler à une économie circulaire c’est aussi redéfinir cette approche-là.

Propos recueillis par Camille Andres