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Gestion financière : Des premiers pas au tableau de bord

By: Christophe Barraud | août 18, 2025 | 8 min de lecture

Si l’âme d’un projet est incarnée dans la personne qui le porte, son sang reste l’argent. Même lorsque la première visée n’est pas la course à la rentabilité maximale, cela reste un sujet qui suivra celles et ceux qui se lancent dans l’entrepreneuriat durant toute leur aventure. Et, comme dans la vie, on apprend d’abord à ramper, puis à marcher et finalement à courir.

À l’occasion de la sortie de deux nouveaux outils de gestion financière dans notre guide de la création d’entreprise, je vous présente de quoi vous aider à construire et consolider votre projet, que vous soyez au tout début ou déjà lancé. En effet, chaque niveau de maturité d’un projet entrepreneurial nécessite des moyens différents.


Se mettre en mouvement — estimer la rentabilité

J’ai une idée d’entreprise, mais est-ce que ça va marcher ?

C’est une question qu’on me pose souvent. La réponse tient plus à la résolution d’un puzzle de 15 000 pièces que de la lecture dans une boule de cristal. On peut rester des mois à réfléchir à une idée sans avancer. Le plus important, c’est de se mettre en mouvement.

Avant même de faire ses premiers pas dans l’entrepreneuriat, on peut commencer à poser des chiffres, se rapprocher de la réponse. Passer du stade de cette grande question à celui de la première vente prend du temps.

Pour vous aider à poser les premières bases du calcul, je vous propose de vous replonger dans l’un de mes précédents articles « Estimer la rentabilité de son idée d’entreprise » et son outil phare : Le tableau d’estimation de viabilité.

Dans celui-ci, on part de la grande hypothèse « Est-ce que c’est rentable de vendre mon produit à 4 CHF ? » et on avance jusqu’au premier budget annuel. On fixe certains coûts, très grossièrement. On définit des objectifs de vente. On vérifie sa rentabilité, puis on va valider ses hypothèses sur le terrain !

Mais quid de la solvabilité ?

Se mettre debout — découvrir le concept de solvabilité

Solvabilité et rentabilité, ce n’est pas la même chose ?

Pas tout à fait. Vous pouvez être solvable sans être rentable, ou le contraire.

La rentabilité, c’est le fait d’avoir gagné au moins autant que vous avez dépensé en une année. On appelle aussi ça, être break-even. C’est un des premiers indicateurs de bonne santé d’une entreprise, alors si vous y êtes, bravo !

La solvabilité, c’est la capacité de votre entreprise à payer ses factures en tout temps. Pour illustrer ça, je donne souvent l’exemple de ma première entreprise. On y vendait des robots éducatifs pour enfants, majoritairement aux écoles. Nous étions donc tributaires de leurs budgets et victimes de ce qu’on appelle une saisonnalité.

Nous vendions beaucoup de robots entre septembre et décembre, et bien moins entre avril et août, fin d’année scolaire et vacances obligent. Mais ces robots devaient être produits en avance. En général, entre la commande et la livraison, quatre mois s’écoulaient. On payait la moitié en avance et la moitié à la livraison. Donc deux grosses factures en avril et en septembre, pile au moment où nos ventes étaient plus faibles. Même si, sur l’année entière, on gagnait plus d’argent qu’on en dépensait, le rythme n’était pas régulier et on prenait le risque d’être insolvable durant l’été et le début de l’automne.

Si on ne prévoit pas ce genre de chose, on arrive à un moment où les factures reçues sont plus grosses que ce qu’il reste en banque. On risque alors des poursuites, voire la faillite.

Pour la petite histoire, dans ma boîte, nous régulions ça avec un crédit en compte courant. C’est un compte bancaire qui vous laisse descendre dans le négatif selon vos besoins (à négocier avec la banque) et qui applique un taux d’intérêt pour chaque jour où vous êtes en dessous de zéro. À utiliser avec parcimonie !

Les premiers pas — mon premier tableau de trésorerie

Chez GENILEM, une part de notre mission consiste à vous donner des outils pour vous aider à faire des étincelles. L’un de ceux-ci s’appelle « Le tableau de trésorerie».

Vous avez un premier budget annuel ? Génial. Maintenant, on va décomposer ça mois par mois et vérifier ensemble si vous n’aurez pas le même souci que moi. Le tableau commence par vous demander quelques informations de base :

  • Quand débuter ?
  • Quels produits ou services voulez-vous proposer et à quel prix ?
  • Qui travaillera chez vous et pour quel salaire ?

Ensuite, on plonge dans le tableau. Dans l’exemple fourni, on vise l’ouverture d’une boutique de cupcakes. On commence par les objectifs de ventes. Combien de ces cupcakes pourra-t-on vendre chaque mois ? On décide de compléter l’offre avec des ateliers ponctuels. Et ici, pareil, combien ? Quand ? C’est à vous de décider.

Un conseil : ne perdez pas trop de temps à faire des calculs extrêmement complexes pour débuter. Posez de premières hypothèses, vous aurez tout le temps de les modifier par la suite.

Le tableau remplit automatiquement les encaissements (l’argent qui entre dans votre caisse) et les charges variables (combien vous coûtent les matières premières).

On descend un peu et on arrive aux frais de personnels. Ici, il faut saisir les taux d’occupation de vos employés. Il est fort possible que vous soyez à temps plein sans toucher un salaire mirobolant dès le premier jour. Dans ce cas, baissez plutôt votre salaire dans l’onglet précédent et notez votre réel taux d’activité, quitte à vous autoriser une augmentation l’année prochaine.

Un coup de roulette et vous arrivez aux charges fixes. Notre magasin de cupcake n’est pas gratuit, on paie le loyer, les charges, un abonnement téléphone et internet, quelques assurances, de la pub et certainement d’autres frais de vente liés aux cartes de crédit ou à TWINT. Encore une fois, vous ne saurez pas tout, c’est normal. Notez précisément ce que vous savez et estimez grossièrement vers le haut les frais qui sont encore flous. Vous aurez le temps d’aller vérifier tous ces chiffres sur le terrain plus tard.

Il reste à renseigner les éléments liés aux investissements et au financement. Vous achetez un ordinateur et un peu de peinture pour rafraîchir les murs ? C’est ici. Vous investissez vos propres réserves ? Votre famille vous prête de quoi démarrer ? Notez ça juste en dessous.

Les trois dernières lignes sont certainement les plus importantes.

Le surplus, ou déficit, de trésorerie, c’est un terme qui vous dit si, durant le mois concerné, vous avez dépensé plus que vous avez gagné. Chiffre noir = bénéfice ; chiffre rouge = perte.

Le solde de trésorerie, c’est ce qu’il vous reste sur votre compte bancaire. Dans notre cas, on commence avec environ 30 000 CHF, on creuse et on frôle les 2 700 CHF en septembre avant de remonter en octobre et de sortir des chiffres rouges, ouf !

On distingue le solde avec ou sans initial. Cela permet d’avoir une vue claire sur les coûts d’exploitation liés à l’activité (sans initial) et sur votre solde bancaire (avec initial).

Ce tableau, c’est votre boule de cristal. On y inscrit ses objectifs, son budget et on regarde si on a de quoi payer les factures mois par mois. Au début, c’est de la sculpture sur nuage, on joue avec l’incertitude, mais, plus vous avancerez, plus vous validerez vos hypothèses et rendrez ces chiffres solides. Alors, n’hésitez pas à faire des essais, à créer des scénarii différents, à jouer avec les chiffres.

J’en profite pour remercier Claude Michaud et My-SBM pour la création de la première version de ce tableau que je me suis amusé à pousser à peine plus loin avec un exemple intégré.

Si vous voulez tester un autre outil, je vous recommande aussi « previsionnel.ch ». Développée par la Fondetec à Genève, cette plateforme en ligne vous accompagne dans la création d’un tableau encore plus complet, générant automatiquement d’autres documents financiers, comme le compte de résultat ou le bilan.

Courir un marathon — Le tableau de suivi financier

Maintenant que vous savez marcher, on se met au pas de course.

Vous avez désormais prévu votre année, mois par mois. Vous avez défini vos objectifs de vente, votre budget, mais est-ce que vous avez visé juste ? Ça reste à prouver !

Si vous avez démarré, il y a de bonnes chances que vous ayez dû mettre en place une comptabilité. C’est elle que je vous propose d’utiliser pour assurer votre suivi financier et vous assurer, tout au long de l’année, que vous ne vous essouffliez pas.

Le dernier outil du jour, c’est le « Tableau de suivi financier ». Celui-ci se compose de cinq parties.

1. Un tableau de bord — genre de cockpit qui résume les éléments critiques de suivi de votre boîte

2. Un plan comptable — le squelette de votre compta pour regrouper vos factures émises ou reçues de façon cohérente

3. Un onglet prévisionnel — l’équivalent de ce que vous avez développé plus haut, avec vos objectifs de vente et votre budget, mois par mois

4. Un onglet de suivi de trésorerie — il regroupe automatiquement vos encaissements et dépenses dans un format similaire à votre prévisionnel pour vous aider à comparer

5. Un onglet de données financières — basé sur un export de Bexio, il vous permet de copier votre journal de comptabilité d’un seul coup et d’aller voir le résultat à côté

Une fois réglé pour s’adapter à vos outils, l’objectif de ce tableau est de vous permettre de faire un copier-coller et d’aller voir si votre estimation était réaliste, optimiste ou pessimiste.

En nourrissant l’onglet des données financières, le tableau de suivi de trésorerie classera chaque entrée dans la bonne ligne (est-ce qu’on parle d’une entrée d’argent pour la vente d’un panneau solaire ou de la facture payée pour le loyer) et dans la bonne colonne pour le classer temporellement au bon endroit.

Comme le tableau de prévisionnel a la même structure que celui de suivi, ça devient un jeu d’enfant (ou presque) de vérifier si on est dans le tir par rapport à son objectif. Petit bonus, on repère vite si on a commis une erreur dans sa compta avec cet outil, ça pourrait même faire baisser votre facture de fiduciaire !

Vous n’avez pas de logiciel de comptabilité ? Ou un autre que Bexio ? À ce moment-là, vous pourrez ajuster l’onglet des données financières à vos besoins. Il faudra peut-être mettre les mains dans le cambouis, mais c’est tout à fait possible !

À la poursuite de l’outil parfait

Après plus de cinq ans en tant que coach GENILEM, j’ai dû me résoudre à un constat. L’entrepreneuriat est trop riche et diversifié pour créer un outil parfait, un tableau pour les contrôler tous et les lier.

Il existe des outils plus ou moins automatisés, des intégrations dans vos logiciels de compta, on peut faire des merveilles avec l’IA, mais j’ai comme le sentiment qu’il faudra toujours bidouiller quelque chose quelque part ; ajuster un élément parce que, dans notre cas, ça ne fonctionne pas comme ça. À mon avis, Excel a encore de beaux jours devant lui.

L’autre constat réalisé, c’est que quelqu’un qui se lance a besoin d’aide, étape par étape. Par contre, plus on avance, plus les outils devront être puissants. Escalader une montagne dans le brouillard sans boussole, c’est trop risqué !

Un outil, c’est bien. Un conseil, c’est mieux

Une personne qui veut lancer son projet d’entreprise doit avoir une proactivité certaine et une faculté à se débrouiller, même lorsque le sujet n’est pas (encore) maîtrisé. Mais ne tombez pas non plus dans l’extrême et osez demander de l’aide. Ces outils sont complexes, mais on peut apprendre à les apprivoiser. Chez GENILEM, c’est aussi notre rôle, alors contactez-nous pour un diagnostic de votre projet et nous nous ferons un plaisir de vous guider à travers ces outils et leur utilisation au quotidien.

Christophe Barraud, Coach chez GENILEM 

Résumé des outils : 


A propos de GENILEM

Fondée en 1995, GENILEM est une association à but non lucratif dont la mission est d’aider les entrepreneuses et entrepreneurs des cantons de Vaud et Genève à créer des entreprises innovantes et viables.  

Pour augmenter les chances de succès des jeunes et futures entreprises, elle offre différents services qui vont du diagnostic de projet, permettant d’échanger sur son idée de business et de définir les prochaines étapes à accomplir, à un programme d’accompagnement stratégique et opérationnel sur 3 ans dont l’objectif est de consolider et accélérer le développement de l’entreprise.