Friends, family & fools : comment réussir sa première levée de fonds
Les fameux « 3F » désigne une catégorie hétéroclite d’investisseurs vers qui tout entrepreneur se tourne au lancement de son projet. Leur point commun ? Ils ne sont pas professionnels. Quelques repères avant de les solliciter.
Les 3F sont en réalité 4 !
Avant « Friends, family & fools », il y a « founder » : le ou les premiers investisseurs, c’est vous, la ou les personnes qui lancent leur entreprise ! Que ce soit de l’argent sonnant et trébuchant ou du temps (‘sweat money’, c’est-à-dire littéralement le financement par l’effort), vous apportez des ressources à votre entreprise. Un apport à ne pas sous-estimer, et même à évaluer avec finesse pour plusieurs raisons. D’abord pour vous-même : si vous passez deux ans à temps plein sur un projet sans débouchés, il est peut-être temps de se poser des questions sur sa pertinence. Ensuite, pour éviter tout conflit : si vous êtes plusieurs à fonder l’entreprise, il est important de clarifier ce qui est apporté par chacune et chacun.
Comment demander ?
Solliciter son entourage pour un projet entrepreneurial est en général plutôt bien reçu : se lancer est vu comme une belle aventure, une quête de liberté et d’amélioration du monde. Ce qui n’empêche pas de préparer un argumentaire pour votre première levée de fonds, même si vous vous tournez vers des proches :
- Combien d’argent vous faut-il ?
- Pourquoi avez-vous besoin de cet argent : acheter du matériel de production, croître, éviter la faillite ?
- Qu’est-ce que vous offrez en retour, quelles sont vos conditions ?
Travaillez votre communication comme s’il s’agissait d’un crowdfunding (un article intéressant de mon collègue Cyril Déléaval sur ce sujet). Assurez-vous d’être rigoureux, clair, crédible et cohérent envers tous vos interlocuteurs. Et surtout : restez transparent tout du long, afin de ne pas générer de futures frustrations pour avoir traité des gens différemment les uns des autres !
Des fools qui croient en vous : une chance et un risque
Le point commun de la famille, des amis ou primo-investisseurs c’est qu’ils vous financent car ils ont confiance en vous. Leur motivation n’est pas financière, ils ne recherchent pas la rentabilité, en ce sens leur pensée n’est pas ‘rationnelle’ (d’où le terme de ‘fou’). Ce qui les décide, c’est un coup de cœur pour vous !
C’est a priori une belle marque de confiance. Mais attention, cela peut aussi représenter un risque, en particulier si vous voulez croître. Pourquoi ? Ces primo-investisseurs peuvent demander des parts de l’entreprise en échange de leur apport. Et quand des financeurs professionnels arriveront dans votre capital, ils ne seront peut-être pas rassurés par le profil de vos ‘fools’. Rien ne garantit en effet qu’actionnaires avertis et amateurs partagent la même stratégie, ni qu’ils valoriseront votre entreprise de la même manière. Un conseil pour éviter cette source de conflit potentiel : avant d’accepter d’intégrer une personne à votre capital, et donc dans la structure de décision de votre entreprise, renseignez-vous sur elle. Parlez-en à d’autres entrepreneurs, ils n’hésiteront pas à partager leur expérience.
Prêt ou don ?
Si ce n’est pas une entrée au capital, le premier financement peut aussi être un don ou un prêt. Le premier cas est de plus en plus fréquent, notamment sous la forme d’avances sur héritage. Dans ce cas-là, il faut codifier la transaction pour ne pas léser d’autres héritiers. Attention, selon les cantons, la fiscalisation des dons peut être très différente, il s’agit donc de bien se renseigner.
Pour les prêts, quelle que soit la personne qui avance l’argent, établissez un court contrat qui mentionne le donateur ou la donatrice, le ou la récipiendaire, le montant, les conditions et intérêts de remboursement. Un simple mail auquel la personne donatrice répond ‘ok avec ces conditions’ peut suffire. Mais même en famille (et peut-être surtout en famille), garder une trace et encadrer un prêt est important en cas de décès, ou de conflit.
Comment rembourser ?
Le premier ‘seed money’ est un investissement par définition très risqué. Cette somme peut être perdue, mais elle ne peut pas être exigible rapidement. Cela ne doit donc pas être, pour les investisseurs, des fonds propres prévus pour un achat immobilier, par exemple (sachant l’urgence dans laquelle se réalisent ces achats actuellement). Enfin les échéances de remboursement de ces prêts, même si elles sont lointaines sont à intégrer dans les outils de gestion de trésorerie de l’entreprise. Le but ? Garder l’œil sur ses remboursements futurs et avoir une trésorerie la plus exacte possible.
Pour ce qui est des intérêts, étant donné leur faible taux jusque-là (mais cela change très vite…), le plus simple est parfois de s’accorder avec votre investisseur et de l’inviter pour un repas annuel dans le restaurant de son choix. En fonction du montant de son investissement, il sera sans doute gagnant…
Votre ennemi c’est l’urgence
Communiquer clairement, obtenir des conditions de prêt intéressantes demande du temps. Un conseil fondamental est donc d’anticiper vos besoins futurs. Plus les besoins financiers sont anticipés, plus les solutions de financement sont simples à trouver : aide pro bono, financement par des clients, prêts entre entreprises…
N’oubliez donc pas qu’avant de lever des fonds, quels qu’ils soient, vous avez déjà toute une série d’options !