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En 2022, l’innovation sera durable ou ne sera pas

By: Cyril Déléaval | janvier 13, 2022 | 4 min de lecture

Marquée par le demi-échec de la COP26, et en Suisse par l’abandon de la loi CO2, l’année 2021 est aussi, pour GENILEM, celle de l’accélération des projets entrepreneuriaux durables : l’économie vit une mutation verte profonde, qui se reflète en particulier dans les projets entrepreneuriaux innovants. Panorama des tendances constatées auprès des startups ayant sollicité notre association.

Le digital reste un canal privilégié 

Poursuite d’une tendance ancrée et accélérée par la pandémie, les outils digitaux restent privilégiés pour proposer des produits, des services, ou mettre en relation des consommateur·rices… 55% des projets rencontrés par GENILEM en 2021 (dans le cadre de notre service de diagnostic, nos formations, notre programme d’accompagnement, ou encore de notre concours Prêt ? Partez, Pitch !) possèdent en effet un canal de vente digital (app ou web-app, marketplace, e-shop, software as a service…). Les technologies qui apportent une réelle innovation par le digital émergent ou se consolident, comme l’Internet des objets et la blockchain. Tandis que des activités jusque-là non-digitalisées le deviennent – à l’image d’auto-ecole.app qui met en relation élèves et moniteur·rices pour des leçons de conduite. Si le métaverse a beaucoup fait couler d’encre, seul un projet observé par GENILEM s’y consacre. Plus significatif peut-être, l’apparition d’entreprises dédiées au fact-checking : vérifier et authentifier les faits et les sources est aujourd’hui un service qui se monétise, porté par la pandémie et l’infobésité toujours galopante. A noter aussi que l’intelligence artificielle et la blockchain y jouent un rôle-clé : ces deux technologies sont sans conteste l’architecture du monde digital de demain.

Le marché du recyclage aiguise les appétits 

Le recyclage et l’upcycling sont, en termes de secteurs d’activité, ceux qui percent nettement parmi les centaines de projets observés par l’association. Toutes les industries sont représentées chez GENILEM, qui accueille tout projet innovant quel que soit le domaine d’activité, low tech ou technologies pointues. Mais le secteur de la mode et du retail écoresponsables est cette année particulièrement bien représenté (6% des entreprises soutenues). Qu’il s’agisse de Revario et ses tenues de trail durables, clother.ch, place de marché de mode écoresponsable, Serie K, Hallures ou Teorem, app lausannoise de vente de vêtements vintage. On constate même des joint-ventures ponctuelles dans ce petit milieu, comme cet apéro collectif de plusieurs marques de mode durables. Un début de structuration dans ce secteur encore très morcelé et disparate ?

Améliorer la livraison reste porteur 

La meilleure mise en relation du consommateur et du producteur, en particulier dans la restauration reste une problématique qui suscite de nombreux projets. Tout le mouvement des ghost kitchens, ces cuisines qui ne travaillent que sur le principe de la livraison, est en plein essor, porté par le trend des Digital vertical native brands, ces marques qui naissent sans enseigne physique et percent uniquement par leur présence en ligne. L’illustration la plus frappante étant la jeune entreprise CRRSP qui propose du fast-food en Suisse romande, à Lausanne et Genève, et qui vit une croissance extrêmement rapide.

La durabilité : une lame de fond 

Ce qui frappe, c’est le nombre de projets en lien avec les objectifs du développement durable de l’ONU (ODD ou en anglais SDG’s, sustainable development goals). Chez les fondatrices et fondateurs d’entreprises de moins de 35 ans, les ODD sont surreprésentés. Et chez GENILEM, ils représentent 35% des projets rencontrés, soit plus d’un tiers! Trois domaines en particulier sont très présents : la consommation et la production responsables (15% des projets durables, à l’exemple de ProSeed), la santé et le bien-être (5%) et l’égalité entre les sexes.

Ces tendances de fond ouvrent plusieurs questions et pistes d’analyse que GENILEM garde à l’esprit et explorera cette année. 

1 – Comment l’entreprise peut-elle contribuer au bien commun ? 

L’essor de l’entrepreneuriat d’impact interpelle et pose beaucoup de questions. Notamment lorsqu’il propose des solutions pour régler des problèmes autrefois dévolus aux États. A Genève, le bootcamp Libérez vos idées lors de la Global Entrepreneurship Week par exemple a permis de faire éclore deux projets qui améliorent les relations entre citoyens et État, notamment une app pour signaler des dégradations publiques. Le modèle de l’État social est-il en panne, les inégalités en ont-elles eu raison ? Ou au contraire, fonctionne-t-il si bien en Suisse que de telles initiatives peuvent naître, parce que le contexte le permet ? Comment l’entreprise peut-elle être un espace où émergent des solutions face aux problèmes globaux, voire de formation, comme le permet le programme Ecoskills, ou d’engagement ? Un questionnement fondamental qui montre que la notion de rentabilité est en pleine évolution. 

2 – Comment repenser les relations de travail ? 

Si le rôle de l’entreprise est en plein questionnement, son organisation aussi. Le télétravail et la pandémie ont ouvert un nouveau champ des possibles : nombre de solutions pour penser le bureau et l’espace de travail de demain sont en pleine éclosion : on constate un essor des coworking comme Voisins ou de solutions de bureaux partagés disponibles – pensons à la plateforme bmyb. Les défis sont nombreux : il s’agit de faciliter les échanges, tout en conservant une certaine culture d’entreprise, maintenir des codes et rites initiatiques, tout en s’adaptant à la mobilité et aux besoins de chacune et chacun. Là les solutions digitales sont probablement encore à inventer, sachant qu’une diversité de choix sera nécessaire. Au cœur de tous ces questionnements, le bien-être au travail a pris une dimension nouvelle.

3 – A quoi ressemblera la ville de demain ? 

Livraisons à domicile, échange de vêtements vintage en ligne : les solutions purement digitales de consommation, faisant parfois la part belle à la récupération interrogent sur le visage des villes de demain. Quels seront les lieux de rencontre et de flâneries ? Les boutiques vont-elles purement et simplement disparaître, être automatisées, ou réservées aux biens de luxe, et à l’expérience ? Après un mouvement d’uniformisation des centre-villes, c’est désormais un nouveau horizon qui s’ouvre. 

4 – Comment mieux accompagner les entrepreneur·es, notamment les femmes ?  

Chez GENILEM, la féminisation des porteur·euses de projet est claire : 30% de femmes sont à la tête de projets soutenus cette année, contre 20% l’année précédente. Autre tendance intéressante : 5% des équipes rencontrées sont mixtes. Le visage de l’entrepreneuriat se féminise, et cela pose évidemment la question des inégalités de sexe, des biais de genre dans l’accompagnement, le soutien, ou les choix effectués par les décideur·euses. Mais sur cette problématique, les données sont encore manquantes. Tout comme le choix de ‘modèles de rôle’ inspirants, encore peu mis en lumière ou écoutés. Cela représente un challenge pour l’accompagnement, la formation et la communication autour de projets portés par des femmes.

Photo : Mateo Aerny et Giulia Lécureux présentant leur projet d’entreprise ProSeed lors du concours Prêt ? Partez, Pitch ! ©Raphaël Dupertuis