Zélo, faciliter le zéro déchet
Ingénieur en microtechnique, André Burri apporte des solutions de consommation zéro déchet résolvant des problèmes clés : celui du transport et des contenants. Son modèle est prêt à essaimer.
Celles et ceux qui s’y sont essayés le savent : consommer sans emballages au quotidien et notamment pour l’alimentaire demande beaucoup de temps, d’organisation, de logistique. Et entraîne inévitablement des ratés, source de frustrations.
En 2019, au cours d’une période de chômage, André Burri, ingénieur diplômé de l’EPFL, actif durant 20 ans dans une société de trading se penche sur ce problème. Après avoir lu Zéro Déchet de Bea Johnson, il met en pratique les principes de base de la démarche (refuser, réduire, réutiliser, recycler, composter), et change sa manière de consommer : contenants réutilisables, achats chez les artisans et producteurs locaux. Très vite, il prend des commandes pour ses voisins. Naît alors l’idée d’un service de livraison à vélo. Zélo (zéro déchet + vélo + local), naît le 1er mars 2020 autour d’une communauté initiale de clients, sous forme d’association, centrée sur Gland.
Très vite, le service de livraison se transforme en épicerie zéro déchet et l’association en SARL puis en SA. Le modèle d’affaires, classique, est basé sur une marge sur les produits ainsi que des livraisons payantes. Les commandes peuvent être passées sur une webApp mobile. Les producteurs ou fournisseurs sont principalement locaux. Zélo livre à domicile, au moyen d’une cinquantaine de contenants différents, lavés par l’entreprise, un QR code autocollant sur chacun d’eux permet de l’associer au produit et à la commande de tout client.
En 2021, suite à un crowdfunding de 25 000 CHF, Zélo décide d’ouvrir une antenne à Lausanne — une initiative trop ambitieuse pour la petite structure, reconnaît aujourd’hui son fondateur, qui doit alors lever des fonds supplémentaires pour soutenir ce développement. Pour éviter la faillite, Zélo ferme l’entité Lausannoise et se sépare de tous ses salariés fixes, début 2023.
En 2024, l’entreprise trouve la rentabilité, elle a recours à des ressources externes à mi-temps pour la préparation des commandes, et son fondateur peut s’octroyer un salaire. Elle compte plus de 1’300 références, 130 producteurs, 500 livraisons par mois et 150 clients différents, principalement sur Gland mais aussi Nyon et Rolle, où André Burri prévoit d’ouvrir des antennes locales sous peu.
À terme, l’ingénieur souhaiterait développer le modèle Zélo sous forme de franchises, en Suisse voire en France. Entretien.
Vous avez développé un concept innovant et tenté de le transposer très rapidement à Lausanne, pourquoi cela n’a-t-il pas marché ?
André Burri : Il y a une série de raisons qui tiennent aux recrutements effectués, aux besoins financiers que j’avais mal anticipés : il aurait fallu 150’000 francs et non 25’000.
Mais cette erreur sur Lausanne m’a permis de comprendre ce qui était rentable, dans l’entreprise et ce qui ne l’était pas et de mieux me préparer pour une vraie multiplication à l’avenir. GENILEM m’a d’ailleurs permis de réaliser ce suivi efficace et de faire des projections de trésorerie précises. J’ai réalisé que conserver des employés avec des charges fixes s’avérait compliqué quand votre marché fluctue énormément. Or dans notre domaine, dès qu’une crise survient, les gens commandent moins (guerre, krach boursier…). Et nos charges restaient fixes ! Ce n’était pas tenable. Nous sommes donc partis sur des engagements à l’heure, qui répondent bien aux besoins de certains étudiants. En contrepartie cela demande de l’entreprise plus de gestion RH, pour s’assurer que les livraisons par exemple sont bien effectuées. Sinon… je livre alors tout moi-même !
Quelles sont vos perspectives de développement ?
On cherche un produit phare qui ferait décoller Zélo, pour faire la différence et s’assurer des commandes régulières.
Mais nous réfléchissons aussi à des services pour les entreprises, notamment des apéros dînatoires zéro déchet ou même une solution de frigo zéro déchet afin de proposer un service de snacking sain en circuit-court avec des produits frais dans des contenants réutilisables. Ce modèle d’affaires pourrait être efficace, car la location du frigo aux entreprises apporte un revenu fixe.
Vous venez de l’informatique, qu’avez-vous appris de la spécificité du marché du zéro déchet ?
Nos clients nous rejoignent pour une série de raisons : les convaincus du zéro déchet, ceux qui apprécient nos produits haut de gamme, ceux qui aiment être livrés à domicile, ceux qui soutiennent notre démarche locale et de proximité…
Il a fallu supprimer certains préjugés, par exemple le fait qu’on est plus cher que certains supermarchés — nos prix sont alignés sur ceux de la Coop. Il a aussi fallu trouver des solutions pour répondre aux besoins des plus modestes, nous proposons donc des paniers budget, à prix réduits mais dans lesquels on ne peut pas choisir ses produits. Enfin, la question du nettoyage des contenants a été cruciale, il nous a fallu spécifier les frais de nettoyage pour que les clients comprennent que nous procédions bien à cette étape — même si nous leur demandons de les rendre propres.
Quelle est la place de l’écologie chez Zélo ?
Réduire les déchets et les émissions carbone est l’essence même de Zélo. Les grandes entreprises dans la technologie communiquent sur la raison pour laquelle elles font le produit, comment il est fait et ensuite seulement sur le produit, nous avons fait de même : expliquer la raison de notre démarche avant tout. Le gain du client, c’est une empreinte carbone pour ses achats réduite de 90 % avec Zélo — d’après mes calculs, basés sur les pratiques d’achats usuelles.
J’ai conscience de résoudre des problèmes publics — les émissions carbones —, au moyen d’une solution privée — mon entreprise —, reste que chercher des fonds publics ou des aides lors de concours demande des ressources et de l’énergie. Mon board m’a donc conseillé de me focaliser sur la rentabilité de ma solution avant tout. Beaucoup de gens se disent touchés par l’écologie, mais parfois les réalités financières prennent le pas sur les valeurs écologiques.
Quelle est la force de l’accompagnement de GENILEM ?
GENILEM m’a aidé sur plusieurs plans : l’association m’a permis de réaliser des projections financières, ce qui est précieux, mais cette aide a aussi été utile sur le plan humain : mon coach m’a ainsi aidé à soigner les relations avec mon conseil d’administration.
Propos recueillis par Camille Andres