Touchingup, faciliter l’accès aux métiers de la couture
La startup fondée par un couturier et ses associé·es a développé un service de retouches accessible via une app. La vie des clients est simplifiée, le travail des couturières respecté.
Xavier Lauber est couturier, travaille dans le sur-mesure depuis trois décennies, et a déjà fondé une entreprise dans le secteur. Un jour, dans un atelier, il croise une employée âgée de 80 ans. « Elle m’a dit qu’elle venait ici pour gagner de quoi survivre. J’ai réalisé que les professionnelles de la retouche, car ce sont majoritairement des femmes, sont les plus mal traitées du secteur de la couture ». Il identifie une véritable défaillance de marché : avec l’explosion des commandes de vêtements en ligne, les besoins de retouches ne cessent de croître. Mais les professionnelles du secteur sont mal rémunérées, leurs ateliers méconnus et peu accessibles. De plus, la qualité et les prix sont très variables. »
C’est ce qui le convainc de la nécessité d’« ubériser » le métier, ce qu’il réalise de deux manières : en créant une application qui permet de commander une retouche, avec des tarifs standardisés. Et en transformant le service : ce n’est plus le/la client·e qui se déplace mais la couturière qui se rend à son domicile pour prendre la commande. « Ce qui occasionne un surcoût de 10 francs aller-retour, qui est par exemple totalement accepté quand on commande une pizza à domicile. » Son entreprise, fondée avec trois associé·es et baptisée Touchingup met ainsi en relation couturières et clients-particuliers ou magasins de vente de vêtements.
Financée au moyen des ressources privées des fondateur·rices, elle prélève pour le moment 25% du montant de chaque transaction « un pourcentage nécessaire pour assurer notre développement mais qui diminuera ensuite en fonction du développement de l’entreprise », assure le co-fondateur. Les couturières sont rémunérées à la tâche, sur une base de 40 francs par heure, « ce qui leur permet d’être indépendantes et de payer leurs charges ». Leur collaboration avec Touchingup ne les empêche pas de prendre d’autres commandes par ailleurs. Fondée en 2018, Touchingup enregistre aujourd’hui 29 ateliers à Fribourg, en Valais et à Genève, sélectionnés selon leur qualité et leur rapidité. « Nous avons notamment développé une offre baptisée ‘Save my life’ qui permet des retouches express en une demi-journée », pointe Xavier Lauber. L’entreprise fourmille et espère désormais se développer sur Lausanne et Sion. Xavier Lauber nous explique sur quelles bases.
Vous êtes spécialisés dans une niche du secteur de la couture : la retouche. Envisagez-vous d’élargir votre champ d’action ?
Xavier Lauber : Nous le faisons déjà mais pour l’heure cela n’apparaît pas dans l’app. Nous proposons par exemple un service de « CleanDressing », qui consiste, sur un mandat d’une journée, à trier les pièces de vêtements d’un client, et de choisir lesquelles transformer et comment les mettre au goût du jour, par des travaux de couture à effectuer. C’est une tendance très forte, dans une époque où le modèle de la fast fashion est remis en question. Nous savons aujourd’hui qu’une personne porte en réalité seulement entre 30 à 35% de ses vêtements.
Vous venez de l’univers de la mode, de l’artisanat, mais Touchingup est basée sur une app, donc relève aussi de l’univers du software et du digital. Quels seraient vos conseils pour choisir ses partenaires et associé·es dans une entreprise qui réunit des secteurs si différents ?
Entre associés, outre le fait d’avoir des compétences complémentaires, ce qui compte c’est de partager une entente et une vision. Il est fondamental de s’assurer que tout le monde tire à la même corde. Il ne faut pas avoir peur de tester les qualités professionnelles de ses associés avant de s’engager. Et de définir très clairement les parts et responsabilités de chacun par un contrat, dès le départ, ce qui facilite toutes les décisions par la suite car les bases légales sont clairement définies.
Pour ce qui est des prestations informatiques, nous avons travaillé avec une agence spécialisée, mais nous changeons désormais de partenaire. Ma recommandation serait de s’assurer des coûts de développement en amont, en définissant clairement le cahier des charges. Et s’assurer que le prestataire choisi a déjà une expérience solide en la matière.
Dans une économie ‘ubérisée’, le rôle des employé·es / indépendant·es est de plus en plus scruté par le public. Comment concevez-vous les relations avec les couturiers et couturières qui travaillent pour Touchingup ?
Nous avons décidé de les appeler ‘les couturières’ car c’est une profession qui regroupe 90% de femmes si ce n’est plus. C’est traditionnellement un métier très solitaire et où le savoir-faire de chacune est extrêmement valorisé et jalousé. Plus qu’un complément de revenu, nous avons souhaité les fédérer et créer un élan de solidarité entre elles. Ainsi, nous avons mis en place un fil Whatsapp par ville puis par canton, sur lequel elles peuvent communiquer, aussi bien pour s’échanger ou se prendre des commandes. Mais aussi et surtout pour poser des questions sur des problèmes précis et s’entraider, s’envoyer des solutions par photos etc. Pour certains ateliers nous démolissons le métier. Je vois plutôt cela comme un précieux échange de connaissances, qui permet d’améliorer les compétences des participantes et donc leurs futurs revenus.
En quoi GENILEM vous a aidé ?
GENILEM nous a tout d’abord appris à présenter notre entreprise, à trouver les mots pour définir et expliquer notre produit, ce qui a été très utile pour différents concours. Par ailleurs, l’association nous a offert de nombreux contacts avec d’autres entreprises et institutions qui ont ouvert des partenariats, ou facilité des démarches. A Genève, les contacts de GENILEM avec l’Hospice général ont permis de garantir la sécurité financière de certaines couturières en situation d’insertion professionnelle. D’une manière générale, le suivi de GENILEM est une motivation, nos points réguliers nous permettent de garder les priorités en tête. Le tout – et c’est très important – dans une perspective bienveillante.
Propos recueillis par Camille Andres