SmartHelio, le médecin à distance des centrales solaires
La startup vaudoise diagnostique les défauts et pannes survenant sur les panneaux solaires. Elle collabore avec plusieurs grands groupes dont BkW, les SIG et l’indien Tata.
Govinda Upadhyay grandit en Inde et se passionne pour les énergies renouvelables et les technologies propres. Il poursuit des études supérieures en Europe dans ce domaine, notamment à KTH, Stockholm et TU/e Eindhoven aux Pays-Bas, puis à l’EPFL, dans le domaine de la planification urbaine durable (sustainable cities).
En 2016, il fonde une première entreprise à vocation sociale, LEDSafari, pour sensibiliser les enfants à la durabilité et au changement climatique à l’aide de kits solaires innovants. Son objectif est de donner à la prochaine génération les moyens de gérer le changement climatique.
Cette expérience lui apporte une précieuse expérience de terrain auprès des centrales solaires et lui donne l’idée de créer des capteurs, afin de mesurer à distance la « santé » d’une centrale solaire, sans avoir à se rendre sur place. Il constate en effet que des milliers de panneaux solaires sont jetés car ils ne fonctionnent pas ou ne sont pas assez performants. Les panneaux solaires sont censés produire de l’énergie pendant 25 à 30 ans, mais en raison d’un mauvais entretien et de l’identification tardive de maladies, leur durée de vie est réduite. C’est ce qui lui a donné une nouvelle idée pour résoudre ce problème en devenant « Médecins des plantes solaires ».
Grâce à l’expérience de LEDSafari, il dispose aussi de terrains de test pour sa nouvelle idée. Il fonde SmartHelio en 2019, obtient un financement de VentureKick et enchaîne les prix et les reconnaissances pour son idée, une vingtaine à ce jour, dont la distinction des « Forbes 30 under 30 » du prestigieux magazine économique américain. Rapidement, SmartHelio noue des partenariats décisifs avec des géants du secteur énergétique en Suisse, en Europe et en Inde : BkW, SIG, Romande Energie, TATA etc.
L’entreprise, spécialisée dans le B2B, compte actuellement 18 personnes dont six basées en Suisse et spécialisée dans la R&D, le reste de l’équipe étant répartie entre la France, l’Allemagne et l’Inde. Elle recherche actuellement plusieurs millions de francs afin de recruter des business developpers pour grandir, mais aussi des ingénieurs dans son secteur, pour continuer à parfaire sa technologie. Après s’être notamment développée en Europe et en Inde, elle aimerait désormais s’implémenter aux Etats-Unis. Entretien avec son fondateur Govinda Upadhyay.
En quoi votre technologie est-elle innovante ?
Govinda Upadhyay : Le problème des centrales solaires est que, lorsqu’elles dysfonctionnent, il faut aller faire un examen manuel, donc se rendre sur le site, et constater de visu ce qui ne va pas. Nous avons en quelque sorte automatisé ce diagnostic, grâce à nos capteurs, pour s’épargner cette étape, c’est notre première innovation. Dans un second temps, nos capteurs nous permettent de collecter aussi beaucoup de données, de très haute qualité, provenant des centrales solaires : couplées à nos algorithmes ou notre intelligence artificielle, cela nous permet d’optimiser le fonctionnement de ces outils et donc de prévenir les pannes.
Nos capteurs IoT basés sur l’Edge computing collectent les données des modules et les analysent dans notre cloud pour fournir des solutions en temps réel et des étapes exploitables pour le personnel de maintenance. Nous ne nous contentons pas de localiser le défaut tel que la défaillance d’un connecteur, la rouille d’un fil, la dégradation d’un panneau, l’ombrage, la croissance de mauvaises herbes, la salissure (plus de 40 défauts), etc. mais nous prescrivons également des mesures correctives à prendre pour réparer le défaut.
En anticipant un problème très tôt, on peut ainsi éviter qu’un panneau soit durablement abîmé voire irrécupérable ! Nous fournissons donc des recommandations très précises à nos clients, pour optimiser sa consommation, prévenir les pannes. Et les perspectives sont très nombreuses. Notre mission est de devenir le « cerveau de l’énergie propre ». Nous avons commencé avec l’énergie solaire photovoltaïque, mais nous avons construit notre technologie selon une approche modulaire afin qu’elle puisse être adaptée aux batteries, à l’énergie éolienne, à l’hydrogène, etc.
En quoi l’expérience de votre première startup vous a-t-elle aidé pour lever des fonds ?
Effectivement j’ai été plus à l’aise avec la phase de levées de fonds early stage cette fois-ci. Ensuite, j’ai appris à updater les investisseurs régulièrement : nous les tenons au courant tous les mois de nos développements, nous leur faisons voir ce que nous faisons : c’est très important que les investisseurs vous fassent confiance. Cela peut prendre du temps, mais finalement cette grande transparence permet à tout le monde de se sentir inclus et informé.
Le secteur du solaire et en particulier l’optimisation des centrales est en plein essor. Comment rester dans la course dans ce contexte compétitif ?
Il faut avoir le meilleur service client, et gagner la confiance et la fidélité de vos clients. Mais aussi poursuivre continuellement la R&D pour innover en permanence et toujours améliorer votre produit existant. Pour cela, un échange étroit avec les clients est nécessaire : quand on sait ce qu’ils veulent ou ce qui leur manque, nous pouvons faire des recherches et des améliorations sur le produit. Nous passons donc beaucoup de temps à dialoguer avec nos clients que nous considérons comme de véritables partenaires, parce que nous co-développons parfois des solutions avec eux. Cela a été le cas avec le groupe Tata, par exemple. Cet échange et cette relation de proximité est différente selon les pays : en Inde, en Suisse ou aux USA c’est totalement différent et il faut savoir s’adapter au contexte culturel.
Vous souhaitez vous développer, comment recruter les talents dont vous avez besoin ?
C’est notre plus grand challenge. Recruter en Suisse c’est faire face à une guerre des talents. Nous souhaitons des personnes qui partagent notre ambition et notre vision – nous voulons avoir un impact au niveau global et faire notre part dans la crise écologique planétaire-, dotés de compétences et d’une compréhension précise de ce que nous faisons. De plus, dans une startup on ne travaille pas de 8h à 17h, la réalité du business c’est qu’il y a parfois des calls avec l’Inde ou les Etats-Unis plus tard le soir… En Suisse, les salaires sont très élevés et tout le monde n’est pas intéressé par cet environnement de travail. Nous faisons donc le choix de prendre des personnes qui n’ont peut-être pas tout le savoir au départ mais que nous pouvons former, et privilégions donc des profils flexibles et ouverts.
Vous avez obtenu de nombreux prix, collaborez avec des multinationales reconnues…. En quoi une entreprise comme la vôtre a-t-elle eu besoin de l’aide de GENILEM ?
GENILEM nous apporte deux choses intéressantes. Un mentorat très précieux et très qualitatif : notre coach est toujours disponible pour nous parler et nous pouvons aborder tous les sujets. Un réseau ensuite. Même si nous sommes déjà une entreprise assez développée, nous avons besoin de rencontrer certaines personnes et entreprises et GENILEM nous permet cette mise en lien.
Propos recueillis par Camille Andres