Revario, des tenues de sport durables et une stratégie axée sur le sens
Née d’une démarche écologique, la jeune marque de trail made in Switzerland vient de lancer une seconde collection qui a convaincu. Sa première levée de fonds démarre en ce moment.
En quelques décennies, Michael Ingram, trailer natif de Villars, a vu l’engouement pour ce sport décoller…au fur et à mesure que les saisons de ski se réduisaient. Face à l’urgence écologique, il a eu envie d’agir. C’est d’abord l’idée d’une ligne de chaussures de sport qui lui traverse l’esprit. Finalement, c’est vers l’habillement qu’il s’oriente, en fondant Revario, marque de vêtement durable. La démarche est à la fois écologique et locale. Les modèles sont dessinés et fabriqués en Suisse, avec des fibres recyclées à 85 voire 100 %, issues de Suisse ou d’Allemagne, de France et Italie.
La marque se fait connaître en 2020, avec une première campagne de crowdfunding, qui ouvre la voie à une collection-test. Assemblée en partenariat avec CARITAS qui ouvrait alors un atelier à Genève, elle permet d’écouler 700 pièces. Depuis, Revario a choisi de s’installer au Marly Innovation Center, dans le canton de Fribourg. Une décision motivée par plusieurs raisons : un bassin de main-d’oeuvre qualifiée dans la couture, des aides financières du canton sur les salaires, et un bail flexible, qui permet de déménager rapidement si les locaux (100m2 actuellement) deviennent trop petits. Essentiel, pour une entreprise en croissance.
En octobre dernier, Revario lance sa seconde collection. Le succès est au rendez-vous: en deux mois, 300 modèles sont d’ores et déjà écoulés, avec 75% de nouveaux clients. La démarche locale est particulièrement appréciée des consommatrices et consommateurs. La fabrication est assurée par quatre couturières. Si le business model initial prévoyait de rémunérer ces professionnelles à la tâche au démarrage, la demande est telle qu’elles sont désormais quasiment employées, réalisant l’équivalent de deux plein temps. Michael Ingram a aujourd’hui un associé et l’entreprise compte sept employé·es.
Jusque-là, les machines et l’équipement ont été financés en partie par fonds propres et prêts bancaires. Mais Revario compte désormais grandir, et réalise une levée de fonds auprès d’investisseurs privés mais aussi publics. La jeune entreprise recherche 300’000 francs pour élargir son équipe, recruter un ou une chef·fe d’atelier, répondre aux commandes en hausse, former ses équipes, et assurer son développement en Suisse alémanique.
L’entreprise, qui assure ne pas courir après la rentabilité à tout prix mais plutôt vouloir garantir une valeur ajoutée pour toutes les parties prenantes, recherche des partenaires convaincus par ses valeurs et sa démarche. Rencontre avec son fondateur.
Vous avez choisi de vous faire connaître en ligne, mais vous êtes désormais présents dans trois magasins aussi. Pourquoi ce changement de stratégie ?
Michaël Ingram : Nous n’avions pas privilégié les magasins au départ, parce que nous pensions que cela impliquait des marges de 50% pour eux et cela n’était pas possible pour nous. Or, les magasins que nous avons approchés ne sont pas dans cette démarche. De plus, nous réalisons que nous avons besoin de ces canaux de distribution car les consommateurs veulent essayer, toucher. Et quand les enseignes nous font confiance, les consommateurs aussi. Nous avons donc décidé d’être présents dans ce secteur et seront dans 12 magasins romands au printemps (Genève, Fribourg, Valais, Neuchâtel, Vaud) mais uniquement dans les enseignes privées, qui apprécient notre démarche et y adhèrent. Nous ne serons jamais distribués dans des chaînes et groupes industriels, ce qui serait contraire à notre démarche. On ne veut pas aller trop vite, pour rester dans une croissance maîtrisée.
En même temps, votre demande explose. Quels conseils vous apporte GENILEM pour face à cet essor?
GENILEM nous aide sur de nombreux points. Cyril (Déléaval, ndlr), notre coach, a été entrepreneur, il a monté plusieurs entreprises, sa façon de réfléchir est celle de quelqu’un qui a cette expérience. Son dernier conseil a justement été de ne pas se limiter à nos canaux de vente restreints (les trois magasins que nous avions démarchés), mais de grandir plus vite, alors que ma nature serait plutôt d’avoir une approche plus modérée. Or, je crois qu’il a raison, il faut profiter du fait que nos produits se vendent, qu’il existe une vraie demande pour ce type d’offre.
L’approvisionnement est en tension dans plusieurs secteurs. Comment faites-vous pour anticiper les éventuelles ruptures de matières premières ?
Le marché des textiles recyclés est effectivement soumis à une demande qui augmente très fortement : toutes les marques s’orientent vers des produits recyclés. La chaîne de production n’est pas dimensionnée pour faire face à des hausses rapides. Notre solution n’est pas de faire du stock mais de garder un contact étroit avec nos fournisseurs pour être avertis le plus tôt possible si des changements ont lieu.
Comment voyez-vous le futur de Revario, quelles sont vos envies ?
Une fois que nous serons consolidés comme marque de trail, nous comptons attaquer d’autres sports outdoor : la rando, le ski de rando, l’alpinisme.
Un autre projet à moyen terme, serait d’ouvrir notre atelier de fabrication à d’autres marques, qui ne sont pas directement en concurrence avec nous et qui souhaitent faire du prêt-à-porter made in Switzerland.
Enfin, l’idée de faire des chaussures me trotte toujours dans la tête. C’est la consommable du trail, si on court beaucoup, on peut consommer jusqu’à 10 paires par an ! Et l’injection plastique se pratique déjà en Suisse. Dans un premier temps nous allons démarrer un partenariat de communication avec la marque française Veets encore peu connue en Suisse.
Pour approfondir le sujet : Un podcast complet avec Michael Ingram
Propos recueillis par Camille Andres