Possenia, le sportswear durable pour l’amour du cyclisme
En raison de leur technicité, les vêtements de sport sont rarement éthiques, durables ou responsables. Possenia est née de la volonté de résoudre cette équation a priori intenable : allier équipements performants et éthiques.
Née en Afrique du Sud, Melissa Vostriakova est une passionnée de cyclisme. Ses frères y ont d’ailleurs été coureurs professionnels. Arrivée en Suisse, elle travaille sur le campus de l’IMD et y côtoie des entrepreneurs. C’est cet environnement ouvert à l’innovation qui la convainc de lancer son projet : une marque de sportswear capable d’allier une grande technicité mais également tous les critères de la durabilité (faible empreinte carbone, responsabilité sociale, qualité environnementale des produits). Melissa Vostriakova est convaincue que le marché, et l’innovation, sont des solutions précieuses face aux enjeux écologiques, permettant de dépasser la simple échelle des actions individuelles, nécessaire mais limitée.
Fondée en 2021, l’entreprise compte deux sources de revenus : la première, principale, vient du B-to-B, puisque Possenia fabrique des séries de vêtements de sport, toutes disciplines confondues, personnalisés, à destination d’entreprises (maillots pour l’équipe de cyclisme interne à Romande Energie, par exemple). La seconde, le B-T-C, provient de la vente en ligne aux particuliers, et concerne uniquement le domaine du cyclisme et du streetwear.
Aujourd’hui Possenia, basée à Genève au Grand-Saconnex, compte une petite équipe à plein temps. Ses fournisseurs sont exclusivement basés en Europe. Fondée avec des capitaux privés et des fonds d’amorçage, elle est aujourd’hui en partie détenue par des investisseurs externes.
Son chiffre d’affaires, 50 000 francs en 2022, a connu une croissance de 200% au premier trimestre 2023, porté par un marché de l’outdoor et des loisirs en croissance exponentielle. Cette année la jeune marque vise un chiffre de 500 000 francs, qu’elle espère doubler en 2024, date à laquelle elle compte s’étendre en Suisse alémanique. Possenia compte entrer sur le marché européen à l’horizon 2024/25.
Vous avez choisi de vous lancer dans l’entrepreneuriat durable. Pourquoi miser sur ce segment si particulier du sportswear, dont le cyclisme ?
Melissa Vostriakova : L’industrie textile est sale, dominée par la fast fashion. Mais le secteur du sport a un impact encore plus négatif pour l’environnement pour une série de raisons : ce sont des vêtements techniques, qui rendent difficile l’utilisation de matières naturelles. Les couleurs qui le caractérisent font appel à des composants chimiques particulièrement toxiques. Il est impossible de recycler les vêtements en bout de course, car ils perdent leurs propriétés.
La conséquence, c’est que dans les chaînes de production, beaucoup de personnes vulnérables sont exploitées. Nous souhaitons montrer qu’il est possible de changer la donne, de créer un produit éthique, durable, sans avoir à augmenter son prix final ni sa qualité. Le cyclisme est ma passion, d’où le choix de cette niche.
Et enfin, le sportswear et l’outdoor sont des secteurs marqué par une croissance importante, le potentiel de profitabilité est énorme et en augmentation.
Où et comment se construit votre innovation dans le secteur?
Nous innovons sur plusieurs plans. Nous proposons une collection complète à base de plastique recyclé, une autre labellisée Bluesign®. Mais nous développons désormais avec des fournisseurs des vêtements basés sur des matériaux biodégradables, qui apportent la même performance et la même durée de vie que les autres. Quelque part, pour nous, la durabilité ne suffit pas. Nous souhaitons progresser vers la circularité complète de nos produits et potentiellement des produits zéro-déchets, ce qui est une innovation dans le domaine du sportswear.
De plus, nous innovons également en cherchant à intégrer des projets sociaux et environnementaux directement dans notre chaîne d’approvisionnement afin de soutenir directement les communautés de nos fournisseurs. Nous n’avons pas encore de projets concrets, mais nous travaillons dessus en ce moment avec nos fournisseurs. Nous souhaitons pouvoir répondre aux besoins de la communauté et cela nécessite de nombreuses discussions pour comprendre leurs besoins, comment les aider de la meilleure manière.
Quel est votre principal défi ?
La traçabilité et la transparence. Pour être durable, éthique, responsable il faut pouvoir tracer chaque composant. Il faut donc trouver le bon partenaire, qui accepte d’être transparent, pour comprendre ce qui se passe dans chaque étape de la chaîne de production. Ce n’est qu’après avoir fait ce travail dans le moindre détail que l’on peut prétendre à une certification de durabilité.
Pour nous, obtenir ces certificats a été facile car nous avons choisi dès le départ des partenaires transparents. Pour une marque établie avec des centaines de fournisseurs, la tâche est beaucoup plus ardue.
Vous avez choisi la certification Bluesign®, peu connue du grand public, pourquoi ?
Car c’est la démarche la plus approfondie pour notre secteur. Nous avons bien entendu d’autres certifications et nos fournisseurs aussi. Notre chaîne d’approvisionnement est construite avec des fabricants qui adhèrent déjà aux plus hauts niveaux de durabilité.
Mais Bluesign®, (un label fondé par l’entreprise suisse Bluesign AG en 2000 et reconnu mondialement, NDLR), accorde une grande importance aux questions de toxicité et de produits chimiques. Or c’est précisément ici que la plupart des marques perdent leur dimension durable, que des choix qui abîment l’environnement et la santé sont faits. Et donc que l’innovation est laissée à la porte !
Par ailleurs, Bluesign®, insiste sur l’enjeu des projets sociaux au sein de la chaîne de valeur, c’est eux qui nous ont aidé à réfléchir aux besoins de nos producteurs. Ils nous aident aussi à améliorer notre impact d’année en année.
Nous envisageons aussi une certification B Corp (certification reconnue dans le domaine de la durabilité, NDLR). Pour le moment nous sommes une jeune startup et un peu petits en terme de revenus pour répondre à ces standards, mais dans deux ans pourquoi pas.
Avoir plusieurs certificats est utile en terme de levée de fonds, mais aussi comme signal pour l’extérieur : le greenwashing est partout, se doter d’un maximum de labels montre qu’on est sérieux dans notre démarche.
Que vous apporte le coaching de GENILEM et le coaching en général ?
Notre coach, Pascal apporte une perspective extérieure incroyablement importante ainsi que des conseils directs et des conseils sur la façon d’aller de l’avant. Par exemple, comme toute marque, nous devons parfois affronter de graves imprévus dans la chaîne d’approvisionnement, qui peuvent affecter notre capacité à vendre. Il faut donc repenser nos planifications de vente pour l’année en question parce que soudainement nous n’avons plus le même produit, ou les mêmes quantités, etc. Pascal nous a aidés à réévaluer notre stratégie de vente pour surmonter ces défis de production.
Quelle est votre perspective de développement ?
Notre objectif à six mois est d’étendre nos canaux de vente à l’échelle de toute la Suisse, d’atteindre la neutralité carbone et de dépasser les critères de durabilité que nous nous étions fixés. D’ici un an, nous souhaiterions disposer d’un marché solide parmi la clientèle des entreprises, mais aussi des équipes et clubs sportifs. Sur cinq ans, l’objectif est d’être reconnus comme l’une des principale marques durables et de niche, dans le domaine des vêtements de sports.
Propos recueillis par Camille Andres