NBO, le Logitech des musiciens
Batteur, notamment pour Bastian Baker, le vaudois Nathan Bonjour a imaginé un support pour les musiciennes et musiciens travaillant avec smartphone et ordinateurs. D’un besoin ponctuel, il a développé une entreprise spécialisée dans l’ergonomie pour les professionel·les de la musique.
Comme tous les musicien·nes aujourd’hui, Nathan Bonjour travaille avec un ordinateur et son smartphone à portée de main : « logiciels de musique, partitions sur PDFS… C’est devenu une routine ». Une pratique répandue mais qui pose des problèmes ergonomiques pour accéder à l’écran depuis son instrument, ainsi que des soucis pratiques, parce que des instruments pensés il y a plusieurs siècles n’incluent pas d’espace pour les accessoires d’aujourd’hui.
C’est le Covid, et la diminution des concerts qui offre à ce batteur et enseignant chevronné le temps pour creuser ce problème. « J’ai découvert que deux musiciens sur trois ont des troubles musculo-squelettiques. Il y a donc un vrai souci à résoudre ». Il développe un premier prototype, poursuit la R&D avec des ingénieurs spécialisés. Soutenu par un coach Platinn, il réalise une étude de marché, un business plan : sur 110 millions de musicien·nes en Europe, 1% pourraient être intéressé·es par son produit. « Ce qui représentait un marché de 140 millions de francs ». Il fonde alors son entreprise, NBO (No Better Option) et améliore encore son produit, le BaXboard en 2021.
Un crowdfunding avec préventes atteint 200% de son objectif (32’000 CHF) en octobre 2021. Le milieu de la musique s’y intéresse et il trouve un distributeur en Suisse très rapidement. Soutenu par GENILEM et Platinn, Nathan Bonjour poursuit le développement, dépose des brevets (dépôt international sur 157 pays en 2022). Au dernier trimestre 2022, avec l’aide d’une petite équipe mandatée, la première série de 500 pièces est presque écoulée.
Début 2023, NBO aborde un nouveau virage: la production industrielle de son BaXboard et une phase de R&D pour de prochains produits. Une levée de fonds de 200’000 CHF doit permettre de stabiliser l’équipe et financer les futurs moules. Cette série pourrait être commercialisée à l’international courant 2023.
En parallèle, le CEO et fondateur réfléchit à la mission de son entreprise, qu’il imagine plus vaste que la simple production d’un objet : « notre vocation est finalement d’aider les musiciens à vivre leur pratique de manière ergonomique, procurer un impact positif sur leur posture et leur santé, pour leur permettre de travailler plus longtemps. Au même titre que des équipementiers en informatique se sont mués en ergonomistes de bureau, on aimerait devenir le Logitech des musiciens ! »
A terme, NBO pourrait ainsi développer des communautés de musicien·nes autour de ces sujets, et proposer en parallèle un service de coaching postural. Retour sur l’aventure NBO avec son CEO et fondateur Nathan Bonjour.
Quelle est la plus-value de votre produit ?
Nathan Bonjour : Nous avons effectué une réelle recherche sur l’ergonomie, pour nous démarquer d’autres accessoires déjà existants sur le marché. Nous avons aussi pensé la versatilité et la modularité pour avoir un accessoire capable de s’intégrer partout et dans tous les sens, et de porter différents objets.
L’espace très mince entre sa pince et la table rend possible de l’utiliser dans des environnements réduits et multiplie ses possibilités d’accroche. C’est pourquoi il est plébiscité par des musiciens de tous instruments, mais aussi des professionnels dans d’autres secteurs (cadreurs vidéos, caméramans). Des discussions sont d’ailleurs en cours avec d’autres corps de métier (médical, mécanique notamment).
Pourquoi avoir breveté l’objet?
L’enjeu était double : rassurer les investisseurs et protéger le produit sur le marché avant la communication autour du concept en ligne, car une fois que c’est diffusé, on perd le droit de priorité en terme de propriété intellectuelle. Un brevet permet de garantir l’exclusivité de cette innovation et de ce produit pour pénétrer le réseau international. J’ai eu des discussions avec des dizaines de marques et de distributeurs internationaux. Je vois bien qu’un brevet rassure ces contacts potentiels, et permet effectivement de se défendre en cas de copie. De fait, cela a été un investissement financier (15’000 CHF) et un défi, pour lequel j’ai été accompagné par un cabinet spécialisé. Le challenge était de prouver que l’objet et tous ses aspects techniques représentaient une seule et même innovation (sinon, il faut payer chaque invention reconnue séparément.)
Vous vous êtes appuyé sur votre réseau et notamment sur une communauté de 30 artistes ambassadeurs, dont un influenceur en ligne, pour développer la communication. Quelles recommandations pour des entrepreneurs qui souhaiteraient communiquer de la sorte ?
Effectivement, Arthur Dubois, qui est devenu un ami, est un créateur de contenus qui cartonne en ligne. Cet influenceur français le plus connu dans le monde de la batterie compte 200’000 followers, et est de fait, devenu un de mes ambassadeurs. On réfléchit même à créer des packs ensemble, c’est un as de la créativité ! La clé, c’est de rester authentique et honnête, et non d’approcher quelqu’un avec une stratégie marketing et financière. C’est la passion commune de la musique qui rapproche, pareil pour tous les musiciens qui m’ont soutenu: nos liens ne se sont pas créées autour du produit.
Quelle utilité du coaching pour quelqu’un qui comme vous a déjà une carrière ?
Le grand défi pour moi, c’était de garder l’équilibre entre une vie professionnelle, et personnelle, bref, allier la musique et l’entreprise. Le coaching, que ce soit celui de Platinn ou de GENILEM permet toujours de poser les bases à plat, d’aligner ses valeurs personnelles et celles de son projet entrepreneurial. Si elles ne sont pas en phase, cela ne fonctionne pas. GENILEM m’a permis d’avancer sur ces questionnements, de garder ces réflexes, de savoir poser les bonnes questions : quel équilibre, quelle vision personnelle, quelle mission pour l’entreprise, et quels outils pour la mettre en oeuvre.
Quel regard posez-vous sur la durabilité ?
Notre produit est en acier, il est garanti deux ans mais en réalité il est durable à vie. Pour le moment bien que le design ait été réalisé en Suisse, la première production a été faite en Chine, choix réalisé parce que les coûts en Europe multipliaient le prix de vente par quatre. Mais nous travaillons à réduire l’impact carbone du shipping, au moyen de circuits courts. Et nous démarchons déjà d’autres usines en Europe de l’Est ou en Tunisie. Quand l’entreprise sera viable, que la levée de fonds sera assurée, on travaillera sur la durabilité.
Propos recueillis par Camille Andres