Miros, jouer pour apprendre la musique
Jouer change la manière d’apprendre. Fort des dernières recherches en la matière, Joris Favre a développé Miros, un jeu de cartes qui soutient la créativité et la motivation dans le domaine de la musique.
Tout est parti d’un travail de master en pédagogie musicale: sur les conseils d’un professeur, Joris Favre décide de créer une solution qui pourrait non seulement enrichir son parcours professionnel et compléter ses revenus, mais aussi combler un manque qu’il avait lui-même ressenti en tant qu’élève musicien.
En étudiant les nouvelles méthodes pédagogiques, les neurosciences, l’étudiant et musicien découvre l’importance du jeu dans l’apprentissage, qui « développe l’autonomie, la pensée critique, le partage de compétences sociales et émotionnelles et d’autres compétences utiles. »
Naît ainsi l’idée d’un jeu de cartes qui puisse développer et soutenir la motivation des élèves musiciennes et musiciens, tout en donnant des clés pour leurs parents parfois dépourvus de connaissances musicales. Le jeu compte des cartes « idées » et « défis », et s’adapte à tous les instruments. Les premières demandent de la créativité (jouer le son d’un volcan), les secondes imposent des contraintes (jouer les yeux fermés). La combinaison des deux, seul ou à plusieurs permet une infinie combinaison de créations musicales et de challenges mutuels.
En 2019, le premier prototype de Miros est achevé. L’année suivante, un prix Educreators de 10’000 francs permet de créer un prototype de qualité, avec des designers. Il est ensuite testé auprès d’utilisateur·rices de l’Ecole de jazz et de musiques actuelles du Valais (EJMA-VS) durant trois mois. Ces feedbacks permettent d’apporter de premières améliorations, et de réaliser un troisième prototype, proche de la version finale.
Une association est fondée en 2022 et un soutien de 130’000 francs de la Fondation Gebert Rüf permet ensuite le développement de matériel de communication : site web, page Instagram, etc. En 2022-23, une étude académique conséquente menée durant un an auprès de 600 élèves et une centaine de professeur·es vient valider l’impact du jeu sur ses utilisateurꞏrices : elle prouve que l’utilisation de Miros augmente la motivation des élèves et permet de soutenir le rôle des parents durant l’apprentissage.
Aujourd’hui, le jeu compte environ 800 utilisatrices et utilisateurs en Suisse et est traduit dans 4 langues. Une déclinaison centrée sur les questions de rythme est en développement. Désormais, l’enjeu pour Joris Favre est la finalisation de la version de Miros avec les derniers retours recueillis, et enfin sa commercialisation, qu’il envisage de réaliser à travers les écoles de musiques, et pour laquelle il recherche une ou un associé. Entretien.
Au cours de votre développement, vous avez d’abord collaboré avec un partenaire et vous êtes aujourd’hui à la recherche d’un associé. A quoi faites-vous attention dans le choix d’un partenaire professionnel ?
Joris Favre : Le respect et la bienveillance, bien entendu. Mais aussi et surtout la complémentarité. Je ne cherche pas quelqu’un qui ait les mêmes compétences ou le même profil que moi. Le développement du produit reste mon expertise. Mon enjeu serait plutôt de trouver une personne capable de gérer la communication, le marketing, le site web voire l’administratif et les commandes, donc plutôt un profil orienté sur la logistique et l’administratif !
Vous avez fondé une association et une Sàrl, dans quel but ?
L’association, à but non lucratif, permet de mettre en avant le travail de recherche pédagogique mené pour la création de Miros, validé sur le plan académique. Je ne sais pas si on la gardera sur le long terme, mais pour le moment cela permet de rassurer, d’apporter de la crédibilité auprès des écoles que nous approchons. La Sàrl est une structure dédiée à la commercialisation du jeu. Il est possible d’avoir deux structures pour un même projet à condition que leurs buts soient identiques et des contrats de licence d’utilisation des produits doivent être établis entre les deux. L’intérêt est qu’elles permettent de multiplier le nombre de subventions ou d’aides que l’on peut recevoir pour un tel projet.
En quoi l’aide de GENILEM a-t-elle été déterminante ?
C’est l’accompagnement sur le long terme qui m’a donné envie de rejoindre GENILEM: trois ans de coaching, c’est très conséquent. Les personnes qui nous accompagnent ont vu beaucoup de projets, on peut se fier à des gens qui ont de l’expérience. De plus, quand on est seul comme c’est mon cas, personne ne nous dit si on va dans la bonne direction ou pas. Mon coach Pascal Bourgier m’a également recadré dans des périodes de découragement ou de perte de motivation, des moments où il faut à tout prix s’ancrer dans le concret. Enfin, GENILEM ouvre des portes à toute une série de possibilités de réseautage et d’évènements.
Quelle est la place de la durabilité dans votre projet ?
Elle prend plusieurs dimensions : le jeu est fabriqué en Europe avec des matériaux recyclés certifiés FSC. Si les coûts le permettaient, ce serait en Suisse, et s’il se développe, l’enjeu sera de trouver le lieu de fabrication le plus proche possible du lieu de vente.
J’ai par ailleurs choisi de le développer sans écrans, pour des questions de santé mentale, qui sont aussi un enjeu de durabilité, sur le plan social. Il en va de même pour l’inclusivité : le jeu n’est pas genré, il fonctionne en quatre langues (français, anglais, allemand, italien) et intègre les besoins des élèves qui ont des troubles d’apprentissage – soit 20% des gens !
Propos recueillis par Camille Andres