Miloo, les vélos électriques sur-mesure
Cette jeune marque genevoise a réussi une percée unique dans le marché du vélo électrique. Sa force ? Une écoute client qui permet une réponse individuelle à chaque besoin, et la maîtrise de la distribution.
En observant l’industrie en plein essor du vélo électrique, Anna Bory et Daniel Van Den Berg ont perçu ses faiblesses : des produits extrêmement chers, une plus-value qui ne bénéficie pas aux marques qui innovent sur le secteur mais aux réseaux de distribution. Ces deux professionnel·les, en couple en privé, connaissent le secteur et les marchés internationaux. Anna Bory a travaillé dix ans dans le marketing automobile, et a vécu sur trois continents. Daniel Van Den Berg, fan de cyclisme a une carrière de manager dans le shipping également sur trois continents. En 2018, Daniel se lance dans l’aventure Miloo. Tandis qu’il se spécialise dans le développement du produit, Anna se charge dès 2020 du marketing et de la distribution. Les financements de départ sont apportés par les économies personnelles des deux fondateur·rices.
Après deux ans de recherche et développement, leurs premiers modèles sont commercialisés courant 2020. Portés par le marché et un bouche-à-oreille solide, le succès est au rendez-vous : en 2021, le chiffre d’affaires frôle le million. La distribution en direct limite quelque peu la croissance, dans un marché qui grimpe en flèche, mais permet de garder le contrôle de la marque et surtout d’offrir un produit de qualité suisse.
En mars 2021, un premier magasin physique voit le jour à Genève et en Mars 2022 un second à Zurich. L’équipe est renforcée, elle compte aujourd’hui treize personnes. L’entreprise vise l’équilibre financier à fin 2022 mais ne souhaite pas grandir trop vite : elle mise avant tout sur la qualité, l’écoute des client·es, qu’elle a érigé en valeur cardinale, allant très loin dans la personnalisation de ses vélos. Assemblés en Suisse (sur une durée moyenne de trois semaines après achat) livrés à domicile, les vélos de Miloo dont le prix varie entre 4’000 et 8’000 francs selon les options ont d’abord séduit beaucoup de cadres et CEO masculins. Mais la clientèle se féminise et plusieurs modèles adaptés aux demandes d’utilisatrices ont récemment vus le jour. Entretien avec la co-fondatrice Anna Bory.
En quoi votre produit est-il innovant ?
Anna Bory : Notre vélo est d’abord pensé comme un outil de transport, qui peut se substituer à d’autres moyens de locomotion : c’est pour cela que ses pneus sont larges, qu’il est doté de doubles rétroviseurs, que sa vitesse peut atteindre 45km/heure. Ensuite c’est un « smart bike » : il possède un véritable cockpit digital, comme une voiture on peut suivre sur un écran sa vitesse, sa navigation, la charge de sa batterie, etc.
En fait, nous avons été les pionniers dans la conception d’une nouvelle catégorie de vélos, sortes de « SUV » de luxe dans le cyclisme. Comme le montrent les statistiques de vélosuisses.ch, c’est la catégorie dont les ventes augmentent pour la première fois pour 2021. Ce qui prouve que notre intuition de départ était juste ! Nous voulions vraiment changer la mobilité en profondeur, avec des vélos solides, durables, sûrs.
L’autre innovation, c’est la customisation. Rapidement les clients nous ont demandé certaines options, et très vite nous avons commencé à les offrir. Le constat, c’est que plus on offre d’options, plus le panier moyen d’achats augmente. On est passé d’une offre avec deux modèles de vélos plutôt standards à une entreprise offrant une customisation très poussée : couleurs cadre, transmission… Je crois que cela fait partie de la mobilité : elle est au cœur de nos vies, de nos liens, de notre travail. Il faut laisser les utilisatrices et utilisateurs choisir ce qui leur convient.
Comment avez-vous réussi à développer l’écoute client, qui est un point fort de Miloo?
Tout le monde vend dans l’entreprise, donc on voit de suite ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce choix faisait dès le départ partie de notre philosophie : dans l’équipe, tout le monde doit utiliser le produit et tout le monde doit vendre.
A notre sens, pas besoin de faire un « focus group », il suffit d’aller vers les gens, d’écouter et d’avoir une conversation régulière à l’interne. Nous avons ainsi un groupe Whatsapp: lorsque nous avons une demande particulière d’un ou d’une cliente, on la poste et tout le monde peut répondre. Par exemple : ce serait possible de rajouter des clignotants sur un modèle à 25 km/heure ? Et lors de notre prochain rendez-vous d’équipe, on voit comment faire ce changement très concrètement. Etc.
Des fois aussi les clients se trompent, ou ne comprennent pas : en écoutant, on comprend ce qui est important à leurs yeux. L’essentiel, c’est de toujours « go the extra mile » pour eux, faire le pas supplémentaire pour répondre à leurs besoins. Avant Noël, nous avons par exemple eu la demande pour un vélo enfant : il était en vente un mois après.
Comment GENILEM vous a-t-elle aidé·es ?
GENILEM a tout simplement été essentielle : au début, nous étions deux avec une bonne idée mais assez naïfs quant à tout ce qui consiste à lancer une entreprise. Le fait d’avoir pu s’inscrire, pitcher, et voir nos idées challengées a été motivant. Être sélectionnés par GENILEM nous a boostés. Cela a augmenté notre crédibilité vis-à-vis des partenaires mais surtout notre confiance en nous ! Nous avons vraiment été pris en charge et accompagnés très tôt, et finalement, au bon moment. Car nous avons très tôt eu besoin de contacts, et GENILEM nous a tout de suite mis en lien avec les bonnes personnes, nous n’avons pas tourné en rond avec nos questions. Leur écoute, leur réactivité et leur manière de nous challenger ont été fondamentaux. C’est un domaine où on peut vite se sentir seul·e et ce n’est pas à notre entourage de comprendre notre réalité d’entrepreneur·e.
Quels sont vos objectifs en 2022 ?
Deux priorités: la croissance à travers la vente de davantage de produits dans toutes les gammes. L’extension géographique, avec l’ouverture de deux points de vente à Zurich et Lausanne. L’idée n’est pas de sortir tout de suite de Suisse : nous préférons grandir de manière durable, en pouvant tenir nos promesses à notre clientèle et à nos employé·es.
Le marché suisse représente déjà un immense challenge, avec ses trois régions culturelles, ses trois langues. Si nous réussissons à nous y implanter, ce sera un atout énorme pour la suite.
La guerre vous impacte-t-elle ? Quelles marges de manœuvre pour une startup face à des enjeux géopolitiques ?
Oui, nous sommes impactés en raison de l’augmentation des prix des matières premières. Mais aussi en raison des changements d’itinéraires : tous nos composants asiatiques venaient par train, ce qui était moins cher et plus écologique que les containers par bateau. Mais ces trains passaient par la Russie…
Nos composants viennent du monde entier, à 15% d’Europe mais aussi des USA ou d’Asie. Notre chance, c’est que la Suisse a de supers accords de commerce avec de nombreux pays.
De plus, notre équipe de développeurs est en Ukraine et ne peut pas travailler en raison de sa connexion internet défaillante et des sirènes qui retentissent régulièrement et les obligent à quitter leur poste. On les paye, mais nous avons des retards de développement sur notre site, à l’heure où beaucoup de nouveautés sont disponibles. C’est délicat.
Propos recueillis par Camille Andres