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Favoriser l’égalité des chances dans l’entrepreneuriat : un défi payant pour la société 

By: GENILEM | septembre 26, 2024 | 6 min de lecture

En Suisse, l’entrepreneuriat reste encore largement dominé par les hommes. Malgré les progrès observés dans de nombreux secteurs, les inégalités de genre persistent, particulièrement lorsqu’il s’agit de créer, développer et financer une entreprise.  

Par Gabrielle Loeb, coach GENILEM

Chez GENILEM, bien que 𝟰𝟳% des projets présentés en début de processus de sélection soient portés par des femmes, seulement 𝟯𝟯% deviennent des projets sélectionnés dans notre programme d’accélération. Nous avons voulu en savoir plus et avoir des pistes de solutions. C’est pourquoi nous avons mandaté le travail de Bachelor d’Emmanuelle Streit, une étudiante de la HEG (HES-SO Valais) supervisée par Line Pillet. La question du financement pose également question : d’après les chiffres de la Fondetec, sur 56 demandes de financement reçues en 2023, 18 seulement ont été portées par des femmes et 12 ont obtenu un financement (soit 21% du total des projets présentés). C’est 13% pour la Fondation d’aide aux entreprises (FAE). Ce chiffre est néanmoins en progression, avec en date du 31.08.2024, 17 % des projets acceptés concernant des projets portés par des femmes, et 17% supplémentaires concernant des équipes mixtes.  

Même si le chiffre est en croissance d’année en année, cela reste encore faible. La Fondation pour l’Innovation Technologique (FIT), quant à elle, soutenait 14% d’équipes fondatrices incluant des femmes en 2013, contre 36% en 2023. Une belle augmentation pour s’approcher de la parité.  

Face à cette réalité, il est impératif d’agir. Ces chiffres illustrent des barrières structurelles et sociétales qu’il est crucial de surmonter pour promouvoir l’égalité des chances dans l’entrepreneuriat.  

Dans le cadre de sa mission de soutenir les entrepreneurs quel que soit leur genre, GENILEM s’est attelée à travailler sur les enjeux et actions correctives à mener afin d’observer des progrès rapides.   

Des obstacles internes et externes encore à surmonter 

Les femmes entrepreneuses se heurtent à des défis multiples, souvent invisibles mais profondément ancrés dans notre société. Ces obstacles se divisent en deux catégories : internes et externes.  

Parmi les barrières externes, le jugement par les pairs et les stéréotypes de genre sont omniprésents. Les compétences, l’ambition, et même la légitimité des femmes à entreprendre sont souvent questionnées. À cela s’ajoutent les réseaux d’affaires majoritairement masculins, où les femmes peinent à s’intégrer et à se faire entendre. En effet, les femmes entrepreneuses suisses sont perçues comme moins susceptibles d’attirer les investisseurs que leurs homologues masculins (Emmanuelle Streit, 2024)

S’ajoute à cela une répartition inégale des tâches familiales, rendant la conciliation entre vie professionnelle et personnelle particulièrement complexe notamment pendant la grossesse. Des entrepreneuses témoignent de la culpabilité qu’elles ressentent à l’idée de devoir suspendre ou adapter leur activité en raison de leurs responsabilités familiales.  

Elles doivent également composer avec une pression intense : celle d’incarner des « role models », ou modèles d’inspiration, pour toutes les femmes, parfois au détriment de leur propre bien-être. 

Du côté des obstacles internes, on observe un manque de confiance en soi lié au syndrome de l’imposteur, un doute profond sur ses compétences et sa légitimité, ce qui freine l’ambition entrepreneuriale de nombreuses femmes. Les réseaux d’affaires, encore largement dominés par les hommes, offrent peu de place à des interactions équilibrées entre les genres. 

Des solutions pragmatiques en action 

Pour répondre à ces défis, GENILEM a donc pris plusieurs initiatives concrètes. Un travail de bachelor, mené par Emmanuelle Streit, une étudiante de la HES-SO Valais, a été commandité pour établir un diagnostic et pour approfondir la compréhension des freins spécifiques à l’entrepreneuriat féminin et proposer des solutions concrètes. 

Par ailleurs GENILEM s’est entourée d’une task force composée de huit entrepreneuses à succès, ainsi que de Line Pillet, professeure à la HES-SO Valais et responsable de l’institut Entrepreneuriat & Management, et en collaboration avec l’ASEN et la HES-SO Valais. Ensemble, nous avons identifié plusieurs actions concrètes pour rétablir l’équité dans le domaine entrepreneurial. 

  1. Renforcer la confiance en soi 

Renforcer la confiance en soi peut passer par des formations à la prise de parole en public, au personal branding ou des ateliers de groupe. Pour ce faire, il nous parait primordial d’identifier ou de créer des formations spécifiques axées sur le leadership féminin dans le cadre de nos actions de formation. Ce soutien se complète par des actions de sensibilisation aux problématiques rencontrées par les entrepreneuses. Ci-dessous notre cartographie, qui répertorie notamment des programmes de formation pour développer les compétences interpersonnelles, ou soft skills, nécessaires à la réussite entrepreneuriale. 

  1. Créer des role models accessibles et réalistes 

Une attention particulière est donnée aux modèles féminins dans tous les rôles de la chaîne entrepreneuriale, incluant les investisseuses, accompagnatrices et actrices politiques. Chez GENILEM, nous sommes vigilant·es sur l’équilibre et la parité en mettant en avant des représentantes féminines dans notre communication externe.  

Il est essentiel de mettre en lumière des modèles féminins inspirants tout en restant honnête sur les obstacles qu’elles ont dû surmonter. Par exemple, à travers nos success stories et podcasts, nous partageons des témoignages de femmes ayant réussi dans des rôles variés tout en rappelant que les échecs font partie intégrante du parcours entrepreneurial. 

  1. Faire de GENILEM un modèle d’exemplarité 

Nous repensons nos critères d’acceptation de projets en évitant des termes biaisés et en féminisant nos équipes et comités de sélection. Nous envisageons également d’atteindre l’équilibre dans nos comités entre hommes et femmes et de diversifier les secteurs d’où proviennent les projets que nous accompagnons, en particulier en valorisant l‘innovation sociale, souvent portée par des femmes. 

  1. Améliorer l’accès aux réseaux et aux financements 

Il existe déjà beaucoup d’initiatives d’aide et de réseaux. Mais ils sont souvent méconnus et éparpillés. C’est pourquoi nous avons intégré les principaux réseaux romands et suisses soutenant spécifiquement les femmes entrepreneuses dans notre cartographie. Nous travaillons également à l’intégration des femmes dans des réseaux entrepreneuriaux masculins, tout en favorisant la création de réseaux féminins. Le manque de financement pour les femmes est aussi une priorité. Des initiatives comme la mise en avant de business angels féminines ou de femmes investisseuses font partie des solutions que nous soutenons. 

  1. Des actions sur le plan politique et sociétal 

L’idée d’un congé maternité pour les entrepreneuses est en discussion. Nous serions en faveur de mesures concrètes comme l’indemnisation des arrêts maladie liés à la grossesse.  

Des projets pour un avenir plus équitable 

Les actions actuelles ne sont qu’un début. Nous réfléchissons à plusieurs actions complémentaires à mettre en place à court et moyen terme. Un programme de mentorat par et pour les femmes sera bientôt lancé, permettant aux alumni et marraines de GENILEM de guider les nouvelles porteuses de projets. Ce soutien direct vise à partager non seulement les réussites mais aussi les échecs, afin de dédramatiser les défis rencontrés. 

Autre source de réjouissance, le projet SHEbot qui consiste à faire une étude de marché dont le but est d’évaluer la pertinence d’une plateforme numérique propulsée par un modèle d’agent conversationnel (basé sur un modèle de langage génératif) pour faciliter l’accès des femmes entrepreneuses à des financements et les accompagner dans leur levée de fonds en tenant compte de leurs besoins spécifiques. Le projet est piloté par l’Institut Entrepreneuriat & Management, en collaboration avec l’Institut Travail Social de la HES-SO Valais-Wallis, l’ASEN et d’autres partenaires romands. 

Et ça paye! Les projets inclusifs rapportent plus 

Les entreprises qui misent sur l’inclusivité, notamment en intégrant davantage de femmes dans leurs instances décisionnelles, voient leurs performances s’améliorer de manière significative. Selon une étude réalisée sur 4’000 entreprises (MSCI, 2015), celles dont les conseils d’administration comptent au moins trois femmes ont généré un rendement du capital de 10,1 % depuis 2010, contre seulement 7,4 % pour celles dirigées exclusivement par des hommes. Pourquoi une telle différence ?  

Les femmes à la tête des entreprises tendent à adopter une gestion plus réfléchie, avec une aversion plus marquée au risque, ce qui conduit à des décisions stratégiques plus innovantes et à long terme. En outre, la diversité des points de vue favorise une meilleure adaptation aux défis économiques et sociaux, permettant ainsi aux entreprises plus inclusives de se démarquer et d’afficher une rentabilité accrue. 

Ces premières actions sont encourageantes, mais le chemin à parcourir reste long. Nous devons continuer à nous poser les bonnes questions pour briser les barrières structurelles et mentales qui freinent les femmes dans leur parcours entrepreneurial. Comment soutenir davantage les entrepreneuses pendant et après la grossesse ? Comment démystifier la méritocratie pour offrir à toutes les mêmes chances de réussir ? Et surtout, comment leur garantir un accès équitable aux financements et aux réseaux ? 

L’égalité des chances dans l’entrepreneuriat ne se concrétisera qu’à travers une mobilisation collective et la mise en œuvre d’actions concrètes et inclusives. GENILEM est résolument engagée dans cette voie en travaillant sur plusieurs fronts pour éliminer les barrières qui entravent le succès des entrepreneuses, et en cascade défavorisent la création d’emplois et la valeur qu’elles sauraient générer. 

Sources