Bmyb : démocratiser la location de bureaux
Née en 2017 à Genève, la startup cofondée par Teo Suter et Agrippino Oliva a d’abord réinventé la location de l’immobilier de bureau. Jusqu’à proposer elle-même ce service aujourd’hui.
Étudiant, Teo Suter dévore la presse économique, et une tendance lui saute aux yeux. « Je voyais de plus en plus d’articles sur les espaces de coworking », se souvient le jeune startuppeur. Si ce foisonnement l’interpelle, il remarque aussitôt qu’il manque un élément structurant dans ce marché naissant : un portail permettant aux client·es de choisir l’espace partagé où s’installer, en fonction de différents critères. L’idée de ce «booking.com du coworking » le titille tellement, qu’il la développe en parallèle d’un cours de business plan à la Haute école de gestion (HEG) où il étudie alors.
Ce jeune genevois s’est toujours intéressé à l’immobilier au travers du cabinet d’architecte de son père. Il se lance d’abord dans une carrière de courtier mais très vite l’envie de développer son projet d’étudiant le reprend. « Si je ne l’avais pas fait, quelqu’un aurait pu s’approprier l’idée et j’aurais eu des regrets de ne pas l’avoir tenté ». En 2017, à 27 ans, il cofonde bmyb, avec Agrippino Oliva, qui conçoit l’outil clé de l’entreprise : son site internet.
Teo Suter réalise aussi l’essor d’un autre marché, celui de la sous-location de bureaux par les entreprises qui disposent de surfaces inutilisées. Il perçoit de suite le potentiel de ce secteur complexe et bmyb développe une offre adaptée, facilitant aux entreprises la sous-location de leurs surfaces vacantes. Le site devient spécialiste du marché du « bureau flexible », référençant aussi bien des places de coworking, que des bureaux au sein de centres d’affaires, ou des bureaux en sous-location.
300’000 francs levés en 4 mois
L’entreprise démarre avec des fonds propres apportés par les cofondateurs et leur famille, et connaît une croissance organique les premières années.
Ce n’est qu’en 2019 qu’une levée de fonds est prévue pour accélérer le développement commercial. En quatre mois, la startup lève 300’000 CHF auprès de business-angels qui l’accompagnent toujours aujourd’hui. Alors que l’équipe s’étoffe et s’apprête à se déployer pour gagner des parts de marché, la crise du Covid survient. Teo Suter perçoit l’opportunité, au-delà de l’épreuve. Il constate que des entreprises à la recherche de bureaux délaissent les espaces de coworking qui « facturent parfois très cher des services supplémentaires », et préfèrent louer des espaces de bureaux individuels, à coûts réduits. bmyb décide donc de développer sa propre offre de location de bureaux, effectuant un nouveau « pivot ».
D’une marketplace en ligne destinée aux pros, l’entreprise devient donc aussi locataire de bureaux, spécialisée dans les petites surfaces, adaptées aux microentreprises : « notre best-seller, c’est le bureau de 25m2 pour une à quatre personnes ». Sise à Carouge et dotée de quatre employés, bmyb cible aujourd’hui son développement sur Genève et Lausanne, et espère se déployer en Suisse alémanique et au Tessin, courant 2022. Entretien avec Teo Suter.
Vous avez suivi des cours d’entrepreneuriat, en quoi cela a-t-il été un coup de pouce pour vous lancer ?
Teo Suter : Le cours qui m’a marqué concernait spécifiquement la conception d’un business plan. Notre professeur était particulièrement exigeant, une manière de tester notre motivation réelle à aller au bout de notre projet. J’ai aussi pu réfléchir très tôt à des détails-clés qui ont crédibilisé notre projet et sa rentabilité future, à savoir la manière de facturer nos services.
De plus, ce cours a été précieux pour clarifier voire trancher beaucoup de décisions stratégiques : choix de la structure juridique, les besoins en fonds propres, la gestion de la comptabilité, l’estimation de la marge brute, la maîtrise des états financiers… Mais attention, ce n’est pas parce qu’on suit un cours qu’il faut appliquer tous les conseils à la lettre –sinon autant être employé ! D’ailleurs, en tant qu’entrepreneur, je fais encore des erreurs, tous les jours et ce n’est pas grave ! Par contre j’ai gardé un lien avec ce professeur, et c’est important car les mentors nous offrent un regard critique précieux.
Ayant suivi des cours d’entrepreneuriat dans votre cursus, en quoi l’accompagnement de GENILEM a tout de même été utile ?
L’aide de GENILEM a été décisive à des stades très différents. Alors que l’entreprise était embryonnaire, discuter avec les expert·es et les coachs GENILEM a vraiment permis de challenger notre concept. Ensuite, c’est vraiment notre coach qui m’a soutenu pour prendre la délicate décision de lâcher mon emploi principal et me consacrer à la startup. Ce n’est pas une étape facile, il faut savoir identifier le bon moment, en termes personnels et financier, et trouver le courage ! Aujourd’hui, GENILEM est très utile pour développer notre réseau, notre visibilité, notre crédibilité…et toujours apporter un certain recul.
Vous avez pivoté souvent et vite. Quelle a été la période la plus compliquée pour l’entreprise ?
Le Covid, qui a changé tous nos plans, très clairement. On venait d’agrandir notre équipe pour se préparer à un développement quand la pandémie a ralenti toute l’activité. Pour moi cela a été un changement de rôle assez brutal : d’entrepreneur indépendant en croissance, je suis devenu manageur de crise. Tout d’un coup certains membres de l’équipe ont perdu confiance dans le concept, on passait de 10-15 locations mensuelles à 2 ou 3 par mois. Pourtant je savais que la situation était conjoncturelle. Mais il est plus facile de gérer une équipe quand tout va bien.
Comment avez-vous fait pour éviter la démotivation de votre équipe ?
J’ai choisi la transparence : nous avons toujours montré à l’équipe les mêmes chiffres que ceux transmis aux investisseurs, y compris les liquidités.
Et j’ai tâché de transmettre ma conviction personnelle à savoir que cette crise allait certes booster le télétravail mais aussi faire ressortir ses limites, et que la location de petites surfaces s’accentuerait ensuite. C’est cette reprise que nous observons aujourd’hui. La principale matière première en Suisse, c’est la matière grise : il y aura toujours besoin de bureaux, mais il faut être capable de répondre aux évolutions de ce marché.
Vous avez internalisé le développement de votre site internet : est-ce que c’est un conseil que vous donneriez à toute entreprise qui lance des services en ligne ?
Ce qui compte c’est d’avoir la maîtrise des ressources clés de son business et de déléguer le reste, en minimisant au maximum les coûts fixes. Clairement, pour nous, la gestion interne du site a été un élément clé, décisif aux yeux de certains investisseurs, et disposer d’un excellent outil web est crucial pour le référencement. Le développeur du site, Agrippino Oliva, est non seulement précieux pour ses compétences, mais il est un associé fondateur de bmyb : nous veillons donc à définir chacun notre rôle, et à aligner nos visions. Nous pouvons avoir des divergences de vues ponctuelles, mais elles doivent être exposées.
Propos recueillis par Camille Andres