Portraits d'entrepreneurs

Bionomous, la recherche in vitro simplifiée

By: GENILEM | février 22, 2022 | 4 min de lecture
Bionoumous parcours d'entrepreneur

La startup lausannoise a développé un robot qui trie les œufs de poissons-zèbres. Son produit déjà commercialisé dans plusieurs pays facilite la vie des laboratoires de recherche.

De plus en plus d’expériences in vitro sont réalisées sur les œufs de poissons-zèbres. Une solution moins chère, moins encombrante, et plus éthique que les souris ou les grenouilles : les embryons de poissons étant étudiés seulement durant les premiers jours de développement, lorsqu’ils ne possèdent pas encore de système nerveux. Problème : « La préparation de ces œufs prend un temps fou, en raison du tri pour séparer ceux qui sont mal développés ou non fertilisés, ceux qui ont des tumeurs ou non… », explique Frank Bonnet, fondateur de Bionomous. Rien qu’en Europe, ce tri, effectué par des laborantins qualifiés, coûte plusieurs dizaines de millions d’euros par an.

Car la demande est en croissance : ces cellules sont précieuses pour développer des traitements personnalisés contre le cancer, en pleine explosion. En 2016, alors qu’il finit son doctorat en robotique à l’EPFL, Frank Bonnet conçoit un prototype de machine pour automatiser cette tâche. Le principe ? Les œufs — d’un diamètre d’un millimètre — sont triés par un système microfluidique, puis positionnés devant une caméra qui les analyse pour déterminer s’ils sont fécondés ou porteurs d’une tumeur.

En 2017, Frank Bonnet dépose un brevet pour sa technologie. Au fil des mois, il reçoit plusieurs fonds pour développer le prototype, réaliser des tests auprès de différents utilisateurs, notamment le célèbre Karolinksa Institute en Suède qui possède l’une des plus grandes animaleries d’Europe. L’expérience est décisive : le développement du produit démarre, soutenu par des fonds de la Fondation pour l’Innovation Technologique. Bionomous naît fin 2019.

La pandémie stoppe clairement son essor commercial. L’entreprise met à profit cette période pour parfaire son prototype, avec les retours de ses premiers utilisateurs, et remporte une bourse Venture Kick.

En 2021, la startup lausannoise séduit ses premiers clients, des laboratoires européens et américains, et réalise sa première levée de fonds privée, à hauteur d’1.3 millions de francs. Ses investisseurs actuels sont le groupe Nivalis, un industriel fribourgeois, et différents business angels locaux.

Aujourd’hui, son minimum viable product est finalisé, la commercialisation doit être développée, et Bionomous, qui compte 8 salariés à l’Innovation Park de l’EPFL, doit bientôt s’installer dans le canton de Fribourg pour poursuivre son expansion. Interview de son fondateur Frank Bonnet.

Le dispositif de Bionomous

Comment faire connaître un produit aussi pointu que le vôtre, en pleine pandémie ?

Frank Bonnet : Clairement, les ventes ont un peu fléchi en 2020 et 2021, tout comme la rencontre d’investisseurs. Le Covid, parce qu’il a freiné la tenue de rendez-vous, de conférences, d’apéritifs, nous a empêché d’aller vers les gens. Nous avions mis en place des outils digitaux pour les pitchs à distance, mais dans notre cas, cela a moins bien fonctionné que des rencontres en direct. Il nous est plus difficile de nous démarquer dans des formats de pitchs en ligne très classiques. Notre produit n’est ni une solution révolutionnaire, ni très sexy, et il n’attire pas forcément des investisseurs friands de risques et de rêve. Nous fabriquons principalement du hardware, un outil très concret dans un domaine pointu. Un produit peu risqué, mais qui offre un plus faible retour sur investissement que d’autres. Les personnes qui s’y intéressent sont plutôt connaisseurs de ce secteur, et convaincus au feeling. Et pour ce qui est des clients, nous avons constaté que rien ne vaut le contact direct. Nous avons ainsi pris le risque, en décembre dernier, d’installer notre machine dans un laboratoire américain. Une vraie aventure ! Mais qui a marché et prouvé au client que l’outil pouvait fonctionner chez lui.

Vous allez déménager chez votre investisseur, comment appréhendez-vous ce changement ?

Au printemps nous serons installés dans l’incubateur du groupe Nivalis, à Villars Ste Pierre (Fribourg). Pour nous, c’est un avantage : nous serons dans une infrastructure industrielle, entourés de startup plus avancées que nous, de qui nous pourrons apprendre. Être plus proches de notre investisseur permet de construire une relation de confiance : il voit tous les jours comment on avance, on peut aller vers lui pour discuter et trouver des solutions en cas de problème. Et enfin, il nous fournit des services très précieux (comptabilité, RH…), qui nous déchargent beaucoup. Le seul inconvénient pour nous, c’est qu’il y a un peu plus de route à faire !

L’équipe de Bionomous

Vous avez été accompagnés par différentes structures, que vous a apporté le coaching de GENILEM ?

Nous avons déjà été conseillés par les coachs Innosuisse, pour ce qui concerne le business à l’international dans les sciences de la vie par exemple. Mais GENILEM s’est distinguée en nous apportant un ancrage local et humain indispensable : conseils en termes de management, points de contacts locaux, conseils très concrets et pratiques pour tout ce qui concerne le support de l’entreprise, les relations…. Autant d’aspects très humains et très précieux !

Comment espérez-vous vous développer en 2022 ?

Nous avons deux objectifs : finaliser une première version de notre produit pour obtenir la certification CE (norme européenne), que nous avons confiée à une entreprise spécialisée car nous n’avons pas toutes les compétences juridiques et d’analyses de risques.

Ensuite, réaliser de nouvelles ventes pour avoir un portefeuille d’une dizaine de clients en 2022. Nous espérons pouvoir être profitables dès 2023. Nous réfléchissons déjà aux deux choix qui s’offriront à nous : investir pour grandir plus vite, et donc démarrer une nouvelle levée de fonds, ou partir sur une croissance organique. Dans tous les cas, nos marchés prioritaires seront l’Europe et les Etats-Unis, secteurs prometteurs et facilement atteignables.


Propos recueillis par Camille Andres