Quand l’entrepreneuriat ne vous lâche pas

La startup Wepot soutenue par GENILEM a connu une liquidation. Mais pour son cofondateur, ce n’est pas la fin de l’aventure, au contraire, il a pris goût au fait de monter des projets et ne se voit pas vivre sans cela.
Un lundi d’avril, sur la RTS, l’émission BASIK raconte la fin de Wepot. Quentin Kany et Clément Pérez, leurs deux cofondateurs témoignent, dans un décor lugubre, une forêt en plein hiver… Quelques jours après, je retrouve Quentin pour un débrief. Ça y est, l’info est publique. Et plutôt qu’un backlash, « on a eu beaucoup de messages de soutien », preuve du capital sympathie que comptait l’entreprise dans le petit écosystème entrepreneurial de Suisse romande. De quoi aider à « tourner la page, faire un petit deuil ». Mais, effet indirect… « cette exposition médiatique a aussi fait repartir les ventes ! »
Après quelques mois de relative froideur, les associés de Wepot se sont mis d’accord sur la manière de gérer la liquidation. Le stock a été confié à des ateliers protégés, qui seront chargés des expéditions. L’idée est de vendre un maximum du stock restant pour rembourser les dettes (aux fournisseurs, aux banques, principalement). « 40 % de la dette est garantie par nos emprunts personnels à Clément et moi. Je dois donc environs 18’000 francs à la banque. L’idée, c’est que la liquidation soit faite à l’amiable, donc l’entreprise reste le liquidateur. Ce n’est pas un organisme externe qui assure la procédure. De cette manière, les dirigeants, Clément et moi, pourront nous verser un salaire avec les ventes restantes, et donc, rembourser cette dette. Si nous arrivons à écouler le stock restant, il nous restera très peu de dettes. »

Il faut donc trouver des canaux de vente. L’un d’entre eux, c’est Qoqa. Une vente flash est prévue courant mai. Bien que la semaine soit pluvieuse, les ollas en céramique partent quasiment toutes. Seul souci « il y a eu de la casse à l’expédition cette fois-ci », me confie Quentin. Mais optimiste comme toujours, il retient : « on ne contrôle pas tout, il faudra faire attention la prochaine fois. » Apprendre pour la prochaine fois ?
Eh oui, Quentin ne compte pas lâcher l’entrepreneuriat ! Depuis plusieurs mois, il s’est démené avec des petits jobs pour joindre les deux bouts. Il a livré des sapins, dépanné une copine dans un restaurant… Et entre tout ça, postulé dans ces grandes entreprises, ces mastodontes que lui, Clément et Pauline dénigraient quand ils lançaient Wepot. Des processus d’embauche qui prennent des semaines voir des mois, des méthodes de recrutement qui nécessitent 5 à 7 entretiens (!)… Welcome to the corporate world, une autre jungle. Bien loin de la liberté de mener sa barque, et truffée de bien d’autres embûches…
Quentin en est tout à fait conscient. Il a passé toutes ces étapes, joué le jeu, répondu à toutes les questions « jusqu’aux plus farfelues » lors des entretiens, et tenu bon. « J’ai besoin d’un job, au moins pour un an ou deux. Mais je cherche des postes qui bougent, dans lesquels j’ai une certaine indépendance, avec de vrais challenges, pas des journées qui se ressemblent. Le truc entrepreneurial reste là quoi qu’il arrive, c’est mon ADN. » Et puis surtout, Quentin veut continuer « à avoir un truc à côté, j’aime trop ça ! »
Et ce truc à côté pourrait bien être un Wepot2. Quand on se rencontre en tout cas, il a déjà posé de solides jalons. D’abord, il est allé trouver un industriel spécialisé dans la céramique près de Toulouse, dans le sud-ouest de la France, d’où il est originaire. Ce dernier dispose du savoir-faire de fabrication, d’une usine qui fonctionne parfaitement… Mais il est en recherche de nouveaux projets. Ça tombe bien, Quentin en tient un qu’il n’a pas pu mener à terme : diffuser sur le marché suisse des ollas de 5 litres. « C’était un produit prévu pour les champs, on n’a pas pu le finaliser, mais on avait une série de partenaires institutionnels très intéressés. La partie théorique était élaborée par l’Unil et l’EPFL. »
Je ressors de tout ça renforcé… Donc oui, si c’est possible, je voudrais refaire quelque chose.
Quentin Kany
Quand Quentin en parle, je sens que tous les réflexes de l’entrepreneur sont là, affûtés. Même s’il m’a parlé tout à l’heure de « deuil », avec l’annonce officielle de la fin de Wepot, je le sens prêt à repartir tout de go. Il est emballé, continue à croire fermement en son produit, et a emmagasiné au fil des ans mille pistes d’amélioration et de diversification qui ne demandent qu’à être mises en oeuvre… « À Toulouse, ils ont des ingénieurs céramistes de pointe. Si je leur demande une olla de 12 litres qui diffuse sur 24 heures ils me disent ‘pas de problème’… ils savent faire ! » Bref, sur le papier, le bon contexte, les bons partenaires, notamment une usine solide qui le déchargerait des soucis de production.
A-t-il déjà construit l’après, échangé avec Clément et Pauline, les deux autres ex-Wepoteurs ? « Sur le principe, Pauline était ok. Clément qui était associé avec moi à parts égales a demandé des parts financières si le nom de Wepot était réutilisé. Mais honnêtement je n’ai pas encore pris le temps de réfléchir à cet aspect ».
Quentin souhaite-il au fond, ouvrir un nouveau chapitre entrepreneurial ? « Je crois qu’on ne revivra jamais un truc pareil. Wepot, c’était surtout une super aventure humaine. Je me souviens quand on allait au taf le matin, l’ambiance… La relation avec Clément aujourd’hui elle est abîmée, je ne sais pas si on pourra la réparer. Mais hormis ça, je crois qu’on n’a blessé personne, on va rembourser, on n’a pas été hors-la-loi et on a appris plein de choses. Je ressors de tout ça renforcé… Donc oui, si c’est possible, je voudrais refaire quelque chose. Ce sera sans doute moins fougueux, différent. Mais oui, j’ai toujours aimé créer et partager avec d’autres. Je pense que j’aurais toujours besoin de ça. »
Envie de vous (re)plonger dans le récit du démarrage fulgurant de Wepot, ainsi que dans celui de la marque de vélo Miloo, publié par GENILEM en 2024 ? Lisez « Les coulisses de l’innovation : six mois dans le quotidien de deux entreprises romandes »